Elle a connu "l'enfer" des bordels belges: Carole, 41 ans, s'est prostituée pendant trois ans dans des bars à champagne et des maisons closes avant de s'enfuir, et dénonce un "esclavagisme moderne".
Carole, qui témoigne sous un nom d'emprunt, a quitté la prostitution il y a un an et demi, mais le procès pour proxénétisme de Dominique Strauss-Kahn et du souteneur Dodo la Saumure a ravivé ses cauchemars, explique-t-elle à l'AFP.
L'ancienne chef d'entreprise est contactée après la faillite de sa société, "pour servir du champagne" à de petits patrons, "dans des bars". "En fatigue psychologique, sans ressource, sans logement", elle accepte.
Mais à son insu, elle est "droguée, violée par trois hommes, et filmée". "C'est comme ça que tout a commencé. On m'a montré la vidéo, on m'a menacée."
"Dans la plupart des bars à champagne et maisons closes, on est enfermé", raconte celle qui travaillait pour un "compère de Dodo". "C'est de l'esclavagisme moderne. Pour sortir ou avoir un week-end, on demande l'autorisation. Elle peut être refusée si un client s'est plaint."
Les femmes - entre 12 et 16 par établissement, en majorité françaises - sont souvent en situation précaire. "C'est compliqué d'appeler la famille, c'est honteux, impossible de crier au secours. On s'enferme."
Toujours surveillé
Bien que les maisons closes soient légales en Belgique, elle n'est pas déclarée. Très vite, "il n'y a plus de comptes bancaires, et les papiers disparaissent": "on les donne au tenancier et puis bizarrement, il y a un vol, et on n'a plus de papier d'identité". Les portables sont confisqués. Et même si on les récupère, "tout est filmé", "on est toujours surveillé".
A ses côtés, des filles "de toutes catégories". Dans les bars VIP, elle croise d'anciennes femmes médecins ou avocates, qui peuvent tenir une conversation, fréquenter restaurants et cocktails.
Entre alcool et drogue, que les filles consomment pour tenir, "tout est fait pour qu'on soit fatiguée": pas de lit individuel, "on dort par roulement", "des microsommeils" interrompus par les clients qui "viennent nuit et jour" - jusqu'à "16 clients par jour", se souvient Carole.
Ces clients, "c'est tout le monde, à partir du moment où ils ont un budget": hommes d'affaires, politiques, footballeurs, acteurs mais aussi militaires, ouvriers, salariés. Carole raconte "ceux qui viennent entre midi et deux, en disant qu'ils vont au restaurant". Les sportifs, qui "ont dit à leur femme qu'ils partaient faire un footing ou un match de foot". Les chefs d'entreprise viennent le soir, et restent parfois jusqu'au lendemain.
Le budget, "c'est 200 euros pour une passe" et minimum 200-250 la bouteille de champagne. Carole, elle, gagnait 75 euros "par bouchon de champagne" et 90 sur l'acte sexuel. Mais c'est un gain en trompe-l'oeil: les filles payent le loyer (30 à 50 euros par jour), la nourriture, les cigarettes, les vêtements, le maquillage. Elles passent des commandes à des vendeurs qui surfacturent tout. A la fin, "on n'a plus grand chose": "je suis partie au bout de trois ans avec 1.500 euros".
Et puis il y a la violence. Entre filles, et de la part des clients.
Pas le droit de refuser un client
Ces derniers sont informés "de ce que la fille est capable de faire ou pas", "mais ça m'arrivait qu'ils me violentent et me fassent quelque chose d'interdit". "Tous les jours, je croyais que j'allais mourir", mais "il ne faut pas montrer qu'on est fragile. C'est la loi de la jungle".
"Pas le droit de refuser un client", et si on ne supporte plus l'alcool, il faut "se faire vomir et continuer" sous peine de punition, comme "des interdictions de sortie" voire davantage de "violence physique".
Carole a fini par s'enfuir grâce à un homme invité par un chef d'entreprise. Quand elle tente de le séduire pour le travail, il répond qu'il ne souhaite "pas profiter d'une femme", et qu'il refuse d'"entretenir ce genre de commerce". "Je suis tombée amoureuse."
Cet homme fait alors semblant de l'inviter pendant deux jours, "comme un client", mais Carole ne retournera plus dans le bar à champagne.
La reconstruction est compliquée. "Cela a été difficile même pour lui de vivre avec une personne qui sort de l'enfer. Je faisais des cauchemars. Et j'étais alcoolisée, forcément." Pour trouver un emploi, difficile d'expliquer "trois ans de disparition" sur son CV.
Surtout, Carole a peur de sortir. De croiser un ancien client et "peur des hommes en général". Elle se sait aussi recherchée par ses ex-employeurs: "Je ne leur dois pas d'argent, mais je leur en ai fait perdre".
Du coup, le retentissement du procès du Carlton la meurtrit. "C'est une histoire complètement banale", mais sa médiatisation a "attiré de la clientèle dans les maisons closes" pour "voir ce que c'était".
"Aujourd'hui, j'arrive à sortir, mais je suis un fantôme. Si je témoigne, c'est pour celles qui sont encore dedans. Pour qu'elles sachent que quelqu'un a pu partir."
Carole, qui témoigne sous un nom d'emprunt, a quitté la prostitution il y a un an et demi, mais le procès pour proxénétisme de Dominique Strauss-Kahn et du souteneur Dodo la Saumure a ravivé ses cauchemars, explique-t-elle à l'AFP.
L'ancienne chef d'entreprise est contactée après la faillite de sa société, "pour servir du champagne" à de petits patrons, "dans des bars". "En fatigue psychologique, sans ressource, sans logement", elle accepte.
Mais à son insu, elle est "droguée, violée par trois hommes, et filmée". "C'est comme ça que tout a commencé. On m'a montré la vidéo, on m'a menacée."
Les deux premiers mois, elle travaille 24 heures sur 24, "séquestrée" comme une "esclave", et se sent "salie" et "honteuse".
"Dans la plupart des bars à champagne et maisons closes, on est enfermé", raconte celle qui travaillait pour un "compère de Dodo". "C'est de l'esclavagisme moderne. Pour sortir ou avoir un week-end, on demande l'autorisation. Elle peut être refusée si un client s'est plaint."
Les femmes - entre 12 et 16 par établissement, en majorité françaises - sont souvent en situation précaire. "C'est compliqué d'appeler la famille, c'est honteux, impossible de crier au secours. On s'enferme."
Toujours surveillé
Bien que les maisons closes soient légales en Belgique, elle n'est pas déclarée. Très vite, "il n'y a plus de comptes bancaires, et les papiers disparaissent": "on les donne au tenancier et puis bizarrement, il y a un vol, et on n'a plus de papier d'identité". Les portables sont confisqués. Et même si on les récupère, "tout est filmé", "on est toujours surveillé".
A ses côtés, des filles "de toutes catégories". Dans les bars VIP, elle croise d'anciennes femmes médecins ou avocates, qui peuvent tenir une conversation, fréquenter restaurants et cocktails.
Entre alcool et drogue, que les filles consomment pour tenir, "tout est fait pour qu'on soit fatiguée": pas de lit individuel, "on dort par roulement", "des microsommeils" interrompus par les clients qui "viennent nuit et jour" - jusqu'à "16 clients par jour", se souvient Carole.
Ces clients, "c'est tout le monde, à partir du moment où ils ont un budget": hommes d'affaires, politiques, footballeurs, acteurs mais aussi militaires, ouvriers, salariés. Carole raconte "ceux qui viennent entre midi et deux, en disant qu'ils vont au restaurant". Les sportifs, qui "ont dit à leur femme qu'ils partaient faire un footing ou un match de foot". Les chefs d'entreprise viennent le soir, et restent parfois jusqu'au lendemain.
Le budget, "c'est 200 euros pour une passe" et minimum 200-250 la bouteille de champagne. Carole, elle, gagnait 75 euros "par bouchon de champagne" et 90 sur l'acte sexuel. Mais c'est un gain en trompe-l'oeil: les filles payent le loyer (30 à 50 euros par jour), la nourriture, les cigarettes, les vêtements, le maquillage. Elles passent des commandes à des vendeurs qui surfacturent tout. A la fin, "on n'a plus grand chose": "je suis partie au bout de trois ans avec 1.500 euros".
Et puis il y a la violence. Entre filles, et de la part des clients.
Pas le droit de refuser un client
Ces derniers sont informés "de ce que la fille est capable de faire ou pas", "mais ça m'arrivait qu'ils me violentent et me fassent quelque chose d'interdit". "Tous les jours, je croyais que j'allais mourir", mais "il ne faut pas montrer qu'on est fragile. C'est la loi de la jungle".
"Pas le droit de refuser un client", et si on ne supporte plus l'alcool, il faut "se faire vomir et continuer" sous peine de punition, comme "des interdictions de sortie" voire davantage de "violence physique".
Carole a fini par s'enfuir grâce à un homme invité par un chef d'entreprise. Quand elle tente de le séduire pour le travail, il répond qu'il ne souhaite "pas profiter d'une femme", et qu'il refuse d'"entretenir ce genre de commerce". "Je suis tombée amoureuse."
Cet homme fait alors semblant de l'inviter pendant deux jours, "comme un client", mais Carole ne retournera plus dans le bar à champagne.
La reconstruction est compliquée. "Cela a été difficile même pour lui de vivre avec une personne qui sort de l'enfer. Je faisais des cauchemars. Et j'étais alcoolisée, forcément." Pour trouver un emploi, difficile d'expliquer "trois ans de disparition" sur son CV.
Surtout, Carole a peur de sortir. De croiser un ancien client et "peur des hommes en général". Elle se sait aussi recherchée par ses ex-employeurs: "Je ne leur dois pas d'argent, mais je leur en ai fait perdre".
L'ex-prostituée a "essayé de porter plainte trois fois" à Lille mais a "été refusée trois fois". Une policière lui a même dit que "c'était à cause de moi que les maris trompaient leur femme".
Du coup, le retentissement du procès du Carlton la meurtrit. "C'est une histoire complètement banale", mais sa médiatisation a "attiré de la clientèle dans les maisons closes" pour "voir ce que c'était".
"Aujourd'hui, j'arrive à sortir, mais je suis un fantôme. Si je témoigne, c'est pour celles qui sont encore dedans. Pour qu'elles sachent que quelqu'un a pu partir."
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