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Vietnam: L'un des taux d'avortement les plus élevés au monde

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Dans un petit cimetière d'Hanoï, Nguyen Van Thao ouvre la porte d'un frigo. A l'intérieur, un grand sac plein de fœtus ensanglantés. Au Vietnam, qui a l'un des taux d'avortement les plus élevés au monde, fossoyeurs improvisés et médecins sont débordés.

Dans ce pays communiste, près de 40% des grossesses finissent par un avortement, d'après un rapport des médecins de la maternité centrale d'Hanoï. Une réalité bien supérieure aux chiffres officiels.


"Pour notre journée la plus chargée, nous avons reçu 30 fœtus", explique Thao, qui dirige une équipe de volontaires, la plupart catholiques, qui se chargent de les collecter dans des cliniques pratiquant l'avortement dans la capitale.

"Il est difficile de dire combien nous en avons enterré", précise Nguyen Thi Guy, un volontaire de 62 ans, qui aide à envelopper les fœtus avant qu'ils ne soient enterrés dans un coin du cimetière.

Pendant des décennies, le Vietnam a imposé une politique limitant le nombre d'enfants à deux par famille, grâce à deux leviers: des pénalités administratives et un planning familial mieux organisé.

Dans le pays, l'interruption de grossesse n'a jamais été un tabou. D'après les statistiques du gouvernement, 500.000 avortements sont effectués chaque année pour 2,4 millions de grossesses, ce qui est déjà un taux élevé.

Toutefois ces chiffres ne tiennent compte que des procédures dans les établissements publics, qui n'accueillent quasiment que des femmes mariées.

"Les jeunes Vietnamiens, sexuellement actifs, ont un problème... Le système public ne les prend pas en compte", regrette Arthur Erken, du Fonds des nations unies pour la population (FNUAP).

Leur comportement sexuel a radicalement changé ces dernières années, avec des rapports plus tôt et des mariages plus tardifs. Or le système de planning familial public ne s'intéresse guère aux jeunes célibataires, selon les experts.

"Un peu effrayant la première fois"

Légal jusqu'à 22 semaines et facilement accessible, notamment dans les cliniques privées, l'avortement est donc utilisé fréquemment, et pas seulement en dernier recours.

"Comme il n'y a pas de contrôle systématique, il pourrait y avoir un autre demi-million d'avortements" non comptabilisés par les statistiques officielles, estime M. Erken.

Cela porterait les chiffres à un million d'avortements et en ferait donc le taux le plus élevé au monde, d'après l'ONG Alan Guttmacher Institute. Et "si rien n'est fait, cela va encore progresser", renchérit M. Erken.

Avec une éducation sexuelle à l'école très lacunaire, un manque général d'informations sur la reproduction, et peu d'accès aux contraceptifs, les grossesses non désirées, pour les jeunes, font partie de la vie.

"J'y ai déjà eu recours trois fois", explique à l'AFP Hoa, élégante femme de 20 ans, juste après son troisième avortement dans une clinique privée d'Hanoï.

"C'était un peu effrayant la première fois mais maintenant je suis habituée", raconte-t-elle avant d'ajouter qu'elle ne comprend pas pourquoi elle est encore tombée enceinte même si elle prend des précautions avec son ami.

Petit à petit, l'usage de la contraception progresse en effet mais reste jusqu'ici quasiment sans effet sur le nombre d'avortements.

La plupart des jeunes Vietnamiens n'ont aucun idée de ce qu'est une vraie contraception, estime Le Ngoc Bao, de l'ONG Pathfinder International. Et même si la société est plus permissive aujourd'hui, donner la vie en dehors du mariage est toujours très mal vu.

"Quand il y a une grossesse non désirée, la seule issue c'est l'avortement", ajoute-t-il.

Et même après une IVG, que ce soit en clinique ou dans un hôpital public, les conseils sont très limités et donc de nombreuses jeunes femmes se retrouvent enceintes peu après.

"Les femmes ayant eu plusieurs avortements sont confrontées à de nombreux risques et difficultés, accrus lorsqu'il est pratiqué dans un établissement non enregistré", explique Tran Ninh, médecin pour l'Association vietnamienne du planning familial (VINAFPA).


'Pression terrible sur la société'

Mais les jeunes ne sont pas les seuls concernés. La politique vietnamienne qui imposait deux enfants par famille, bien que moins draconienne que celle de l'enfant unique en Chine, a fini par s'enraciner dans les esprits, explique Giang Dang, expert du Center for Community Support and Development Studies (CECODES).

Et même si aujourd'hui cette politique est officiellement abandonnée, les autorités continuent à l'encourager tacitement pour maîtriser la croissance de la population.

De plus, la préférence pour les garçons - notamment en raison de leur rôle central dans les rituels ancestraux - conduit dans certaines régions à de nombreux avortements sélectifs. Afin d'éviter ces dérives, le Vietnam a interdit aux médecins de révéler le sexe de l'enfant avant la naissance mais cette interdiction, difficile à imposer, est largement bafouée.

Conséquence de tout cela: le pays a l'une des populations qui vieillit le plus rapidement au monde, estime M. Erken.

"Cela met une pression terrible sur la société, pour les retraites notamment. Nous n'arrêtons pas de leur dire de cesser de brider la fécondité."

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