Quatre jeunes sont sortis fumer une cigarette. Ils viennent de passer deux heures au meeting politique du parti Ennahdha à Thala, dans la région de Kasserine. Ils y portaient la casquette bleue du parti. Ils disent y avoir participé à l’organisation, mais ils sont surtout restés debout au milieu de l’auditoire. Après le meeting, il y a eu quelques échauffourées, car une dizaine de jeunes voulaient être payés alors qu’on les faisait patienter.
Trois heures après, Nida Tounes tient son meeting à l’autre bout de la ville. Les quatre jeunes sont à nouveau présents, arborant le t-shirt et la casquette du parti de Béji Caïd Essebsi.
“Ennahdha paient 30 dinars, Nida Tounes paient 50, ça me fait 80 dinars pour une journée”, raconte l’un d’entre eux.
Les instances d’Ennahdha et Nida Tounes, les deux partis favoris pour le scrutin législatif tunisien, affirment pourtant ne travailler qu’avec des bénévoles.
Tourner en rond avec un drapeau
Dans les régions de Sidi Bouzid, de Gafsa, et de Kasserine, parmi les plus pauvres de Tunisie, l’argent traîne un peu partout.
Hier, un jeune s’est arrêté devant le restaurant de Zied à Sidi Bouzid. Il s’est targué d’avoir été payé par Ennahdha pour tourner en mobylette dans le quartier, le drapeau du parti à la main. “Maintenant, je vais au bar”, a-t-il dit à Zied.
Des “partisans” qui tournent en mobylette ou en voiture, Kamel en voit tous les jours “en pagaille”. Son salon de coiffure est installé le long de la grande route qui relie Gafsa, capitale de la région minière, au faubourg de Lalla. La plupart de ses clients exhibent de mauvaises dents, attaquées par l’eau courante contaminée par le phosphate des mines voisines. “Tout le monde sait que le plupart d’entre eux sont payés pour tourner en rond en klaxonnant”.
“L’argent politique sale existe”, commente le journaliste Héni Néjib, qui travaille avec les jeunes au complexe culturel de Sidi Bouzid. “Dans les régions, il est distribué de façon massive”. Assis à son bureau, il s’emporte contre les politiciens qui “n’ont rien compris”.
Au bureau régional d’Ennahdha à Gafsa, le candidat tête de liste Mohsen Soudani, admet avoir observé “des cas de jeunes qui sont payés”, mais maintient que le parti ne rémunère pas les activités de ses militants.
Avec l’UPL, l’autre promesse en or
A quelques pas du bureau d’Ennahdha, le candidat tête de liste de l’UPL Mohsen Tlili fume une chicha en terrasse avec quelques-uns de ses plus proches militants, qui aiment Slim Riahi parce qu’il est “jeune et riche”. Mohsen Tlili, par ailleurs directeur régional de la Banque de l’Habitat, affirme que Slim Riahi élu président “a prévu 1000 milliards de dinars de son propre argent pour Gafsa”.
Les militants, en revanche “travaillent gratuitement, ce sont des volontaires”, affirme le candidat. “L’UPL ne paye pas ses militants”.
Deux jeunes ont entre-temps rejoint le groupe à la terrasse du café et s’assoient autour des personnes présentes. L’un deux nous glisse à voix basse : “Pourquoi vous êtes venus maintenant, pile au moment où on est venu chercher notre argent?”.
Le discours de l’UPL, mettant en valeur la richesse séduit de nombreux Tunisiens des régions intérieures. Ceux qui vont voter pour Slim Riahi et son parti justifient toujours leur choix de la même manière : “Il est riche”.
Aymen, enseignant à Sidi Bouzid, est ainsi persuadé que “parce qu’il est riche, il ne trichera pas comme Ben Ali”.
“En ce moment, la voix coûte environ 50 dinars”
Si l’argent sert à faire tourner les campagnes de nombreux partis, il risque également de servir à acheter les votes directement.
Le jeune Hamza travaille dans un petit magasin fourre-tout de Sidi Bouzid, et il refuse d’aller voter car, pour lui, “tous les partis sont corrompus, parce qu’ils achètent les voix des pauvres et puis les oublient”.
“En ce moment, la voix coûte environ 50 dinars”, ironise-t-il, comme s’il s’agissait du cours de la bourse. Mais parfois, il suffit juste d’un casse-croûte. Plus les gens sont pauvres, moins ils sont chers.
Tout le monde l’admet, mais peu de ceux qui ont reçu des offres acceptent d’en parler. Ils sont nombreux à faire référence aux rameuteurs, les habitants connus dans un quartier, qui ont de l’influence sur leurs voisins.
A Lalla, banlieue de Gafsa, Saïd regrette que la politique soit “devenue un commerce”. Il a tout de même essayé d’en faire bénéficier sa communauté à long terme. Il a récemment approché des partis, leur proposant d’investir dans le rétablissement de la source d’eau à Lalla, leur promettant une majorité des voix. “C’est moins cher que les billets sous la table, et c’est un projet concret, mais les partis ont tergiversé pour finalement refuser”, raconte-t-il.
A quelques kilomètres de là, des membres de l’Union des chômeurs diplômés de la ville d’El Guettar, où plusieurs commissariats ont été brûlés ces dernières années, militent contre l’achat des votes.
Plusieurs de leurs amis sont partis au stade Gamoudi de Gafsa, où le parti Al Moubadara a organisé un grand meeting de clôture de la campagne vendredi. Selon eux, leurs amis s’y sont rendus pour “un peu plus de 20 dinars par tête”.
Eux-mêmes refusent de participer à ces actions. Ils vont distribuer des flyers pour inciter les gens à refuser l’argent des partis. En titre : ”Celui qui vous achète aujourd’hui vous vendra demain”.
Trois heures après, Nida Tounes tient son meeting à l’autre bout de la ville. Les quatre jeunes sont à nouveau présents, arborant le t-shirt et la casquette du parti de Béji Caïd Essebsi.
“Ennahdha paient 30 dinars, Nida Tounes paient 50, ça me fait 80 dinars pour une journée”, raconte l’un d’entre eux.
Les instances d’Ennahdha et Nida Tounes, les deux partis favoris pour le scrutin législatif tunisien, affirment pourtant ne travailler qu’avec des bénévoles.
Tourner en rond avec un drapeau
Dans les régions de Sidi Bouzid, de Gafsa, et de Kasserine, parmi les plus pauvres de Tunisie, l’argent traîne un peu partout.
Hier, un jeune s’est arrêté devant le restaurant de Zied à Sidi Bouzid. Il s’est targué d’avoir été payé par Ennahdha pour tourner en mobylette dans le quartier, le drapeau du parti à la main. “Maintenant, je vais au bar”, a-t-il dit à Zied.
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Des “partisans” qui tournent en mobylette ou en voiture, Kamel en voit tous les jours “en pagaille”. Son salon de coiffure est installé le long de la grande route qui relie Gafsa, capitale de la région minière, au faubourg de Lalla. La plupart de ses clients exhibent de mauvaises dents, attaquées par l’eau courante contaminée par le phosphate des mines voisines. “Tout le monde sait que le plupart d’entre eux sont payés pour tourner en rond en klaxonnant”.
“L’argent politique sale existe”, commente le journaliste Héni Néjib, qui travaille avec les jeunes au complexe culturel de Sidi Bouzid. “Dans les régions, il est distribué de façon massive”. Assis à son bureau, il s’emporte contre les politiciens qui “n’ont rien compris”.
Au bureau régional d’Ennahdha à Gafsa, le candidat tête de liste Mohsen Soudani, admet avoir observé “des cas de jeunes qui sont payés”, mais maintient que le parti ne rémunère pas les activités de ses militants.
Avec l’UPL, l’autre promesse en or
A quelques pas du bureau d’Ennahdha, le candidat tête de liste de l’UPL Mohsen Tlili fume une chicha en terrasse avec quelques-uns de ses plus proches militants, qui aiment Slim Riahi parce qu’il est “jeune et riche”. Mohsen Tlili, par ailleurs directeur régional de la Banque de l’Habitat, affirme que Slim Riahi élu président “a prévu 1000 milliards de dinars de son propre argent pour Gafsa”.
Les militants, en revanche “travaillent gratuitement, ce sont des volontaires”, affirme le candidat. “L’UPL ne paye pas ses militants”.
Deux jeunes ont entre-temps rejoint le groupe à la terrasse du café et s’assoient autour des personnes présentes. L’un deux nous glisse à voix basse : “Pourquoi vous êtes venus maintenant, pile au moment où on est venu chercher notre argent?”.
Le discours de l’UPL, mettant en valeur la richesse séduit de nombreux Tunisiens des régions intérieures. Ceux qui vont voter pour Slim Riahi et son parti justifient toujours leur choix de la même manière : “Il est riche”.
Aymen, enseignant à Sidi Bouzid, est ainsi persuadé que “parce qu’il est riche, il ne trichera pas comme Ben Ali”.
“En ce moment, la voix coûte environ 50 dinars”
Si l’argent sert à faire tourner les campagnes de nombreux partis, il risque également de servir à acheter les votes directement.
Le jeune Hamza travaille dans un petit magasin fourre-tout de Sidi Bouzid, et il refuse d’aller voter car, pour lui, “tous les partis sont corrompus, parce qu’ils achètent les voix des pauvres et puis les oublient”.
“En ce moment, la voix coûte environ 50 dinars”, ironise-t-il, comme s’il s’agissait du cours de la bourse. Mais parfois, il suffit juste d’un casse-croûte. Plus les gens sont pauvres, moins ils sont chers.
Tout le monde l’admet, mais peu de ceux qui ont reçu des offres acceptent d’en parler. Ils sont nombreux à faire référence aux rameuteurs, les habitants connus dans un quartier, qui ont de l’influence sur leurs voisins.
A Lalla, banlieue de Gafsa, Saïd regrette que la politique soit “devenue un commerce”. Il a tout de même essayé d’en faire bénéficier sa communauté à long terme. Il a récemment approché des partis, leur proposant d’investir dans le rétablissement de la source d’eau à Lalla, leur promettant une majorité des voix. “C’est moins cher que les billets sous la table, et c’est un projet concret, mais les partis ont tergiversé pour finalement refuser”, raconte-t-il.
A quelques kilomètres de là, des membres de l’Union des chômeurs diplômés de la ville d’El Guettar, où plusieurs commissariats ont été brûlés ces dernières années, militent contre l’achat des votes.
Plusieurs de leurs amis sont partis au stade Gamoudi de Gafsa, où le parti Al Moubadara a organisé un grand meeting de clôture de la campagne vendredi. Selon eux, leurs amis s’y sont rendus pour “un peu plus de 20 dinars par tête”.
Eux-mêmes refusent de participer à ces actions. Ils vont distribuer des flyers pour inciter les gens à refuser l’argent des partis. En titre : ”Celui qui vous achète aujourd’hui vous vendra demain”.
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