Un Nobel à Malala? Ca change quoi? Pour Saima Bibi, mariée de force à 13 ans pour régler une dette d'honneur, cela lui donne le "courage" de reprendre les études, un triomphe personnel si fragile dans son Pakistan où des millions d'enfants sont privés d'éducation.
Gamine, Saima était première de sa classe lorsque sa famille l'a donnée en "Swara", mariée de force afin de régler une dispute locale, dans sa vallée de Swat, région du Nord-Ouest d'où vient aussi la jeune militante pour l'éducation Malala Yousafzaï, rescapée il y a deux ans d'un attentat taliban et couronnée vendredi du prix Nobel de la Paix.
Après son mariage, Saima, aujourd'hui âgée de 22 ans, a été forcée d'abandonner ses études par sa nouvelle famille afin de se consacrer aux taches domestiques. Et à la maison, Malala n'a pas la cote.
"Lorsque des premières photos de Malala ont paru dans les journaux, tout le monde dans la famille avait l'habitude de dire qu'il s'agissait d'une conspiration contre l'Islam", souffle la jeune mère. "Mais moi, je l'aime depuis le début et je suis très heureuse pour son Nobel, cela m'a donné le courage pour tenter de convaincre mon mari et ma famille de retourner aux études", ajoute-t-elle.
"Manque d'écoles secondaires"
Et Saima n'est pas seule. Voile azur et doré, mains tatouées au henné, Sumera Khan, avait elle aussi été forcée d'abandonner ses études peu après l'école primaire en "raison d'un manque d'écoles secondaires" pour filles dans sa région conservatrice de Swat.
"J'ai commencé l'école secondaire avec des garçons, mais ma famille ne m'a pas permis de continuer", enchaîne Sumera, qui tente aujourd'hui un retour à l'école. "Malala m'a donné le courage de reprendre mes études, et là je vais me préparer pour passer les examens du secondaire", dit-elle en mitonnant des plats près d'un bazar de Mingora, dans la vallée de Swat.
"Courage", "détermination", "persévérance", Malala, 17 ans à peine et désormais établie en Grande-Bretagne, insuffle une dose d'optimisme à des filles et des jeunes femmes dans le Nord-Ouest du Pakistan, où les attaques d'islamistes armés contre les écoles sont monnaie courante.
Mais il n'y a pas que ces attaques qui privent les enfants d'école. Dans les franges les plus pauvres de la société, les enfants demeurent une force de travail brute, plus utile à quémander en ville ou travailler dans les champs. L’éducation de fillettes destinées à des mariages arrangés reste un calcul peu rentable.
"Les filles de Swat se marient en bas âge... et puis, il y a beaucoup de pauvreté dans notre région alors les jeunes filles commencent souvent à travailler dans la broderie ou le textile après l'école primaire", note Iffat Nasir, numéro deux de la commission scolaire locale.
Selon l'ONU, cinq millions d'enfants âgés de cinq à neuf ans ne fréquentent pas l'école au Pakistan. Et ce nombre avoisine les 25 millions, dont 14 millions de filles, si l'on repousse l'âge à 16 ans, à la fin du secondaire, déplore l'ONG Alif Ailaan.
En cause: les violences, les mentalités, mais aussi le sous-financement chronique du système public d'éducation dans un pays où la classe moyenne supérieure et l'élite fréquentent des écoles privées.
Les "écoles fantômes"
Et c'est sans compter les détournements dans le mince budget de l'éducation dans ce pays qui compte environ 7.000 "écoles fantômes", des établissements qui figurent sur les registres publics mais où aucun cours n'est dispensé, soit parce que les lieux ont été abandonnés, détruits, soit parce que les enseignants en sont absents.
Le Nobel de Malala changera-t-il la donne? "Je ne pense pas que le gouvernement va se réveiller d'un coup et dire: 'Malala a eu le Nobel, nous devons faire (de l'éducation) une priorité', craint Bina Shah, une militante féministe. Ils vont probablement dire, nous sommes fiers d'elle, mais rien ne va changer".
"Le succès de Malala se mesure au niveau des attitudes, cela encourage les familles à envoyer leurs enfants à l'école, mais est-ce que le gouvernement va fournir les ressources nécessaires, j'en doute, et je crains que l'impact concret de Malala demeure marginal", souligne A.H Nayyar, un spécialiste des questions d'éducation.
Si un plus grand nombre d'enfants vont à l'école, reste la question de la qualité des cours dans un pays où les professeurs sont souvent eux-mêmes sous-formés. Et les manuels scolaires ne tiennent pas compte de la pluralité religieuse du Pakistan et tendent à ré-écrire l'histoire nationale, marquée de nombreuses guerres, dit M. Nayyar.
Mais la qualité de la formation, un aspect pourtant crucial, reste un détail pour Saima Bibi dont la principale tâche est désormais de convaincre son mari Javed de l'autoriser à poursuivre ses études.
Sa bataille est loin d'être gagnée. Interrogé, ce dernier répond laconiquement: "j'y songe et je vais lui faire signe lorsque ma décision sera prise".
Gamine, Saima était première de sa classe lorsque sa famille l'a donnée en "Swara", mariée de force afin de régler une dispute locale, dans sa vallée de Swat, région du Nord-Ouest d'où vient aussi la jeune militante pour l'éducation Malala Yousafzaï, rescapée il y a deux ans d'un attentat taliban et couronnée vendredi du prix Nobel de la Paix.
Après son mariage, Saima, aujourd'hui âgée de 22 ans, a été forcée d'abandonner ses études par sa nouvelle famille afin de se consacrer aux taches domestiques. Et à la maison, Malala n'a pas la cote.
"Lorsque des premières photos de Malala ont paru dans les journaux, tout le monde dans la famille avait l'habitude de dire qu'il s'agissait d'une conspiration contre l'Islam", souffle la jeune mère. "Mais moi, je l'aime depuis le début et je suis très heureuse pour son Nobel, cela m'a donné le courage pour tenter de convaincre mon mari et ma famille de retourner aux études", ajoute-t-elle.
"Manque d'écoles secondaires"
Et Saima n'est pas seule. Voile azur et doré, mains tatouées au henné, Sumera Khan, avait elle aussi été forcée d'abandonner ses études peu après l'école primaire en "raison d'un manque d'écoles secondaires" pour filles dans sa région conservatrice de Swat.
"J'ai commencé l'école secondaire avec des garçons, mais ma famille ne m'a pas permis de continuer", enchaîne Sumera, qui tente aujourd'hui un retour à l'école. "Malala m'a donné le courage de reprendre mes études, et là je vais me préparer pour passer les examens du secondaire", dit-elle en mitonnant des plats près d'un bazar de Mingora, dans la vallée de Swat.
"Courage", "détermination", "persévérance", Malala, 17 ans à peine et désormais établie en Grande-Bretagne, insuffle une dose d'optimisme à des filles et des jeunes femmes dans le Nord-Ouest du Pakistan, où les attaques d'islamistes armés contre les écoles sont monnaie courante.
Mais il n'y a pas que ces attaques qui privent les enfants d'école. Dans les franges les plus pauvres de la société, les enfants demeurent une force de travail brute, plus utile à quémander en ville ou travailler dans les champs. L’éducation de fillettes destinées à des mariages arrangés reste un calcul peu rentable.
"Les filles de Swat se marient en bas âge... et puis, il y a beaucoup de pauvreté dans notre région alors les jeunes filles commencent souvent à travailler dans la broderie ou le textile après l'école primaire", note Iffat Nasir, numéro deux de la commission scolaire locale.
Selon l'ONU, cinq millions d'enfants âgés de cinq à neuf ans ne fréquentent pas l'école au Pakistan. Et ce nombre avoisine les 25 millions, dont 14 millions de filles, si l'on repousse l'âge à 16 ans, à la fin du secondaire, déplore l'ONG Alif Ailaan.
En cause: les violences, les mentalités, mais aussi le sous-financement chronique du système public d'éducation dans un pays où la classe moyenne supérieure et l'élite fréquentent des écoles privées.
Les "écoles fantômes"
Et c'est sans compter les détournements dans le mince budget de l'éducation dans ce pays qui compte environ 7.000 "écoles fantômes", des établissements qui figurent sur les registres publics mais où aucun cours n'est dispensé, soit parce que les lieux ont été abandonnés, détruits, soit parce que les enseignants en sont absents.
Le Nobel de Malala changera-t-il la donne? "Je ne pense pas que le gouvernement va se réveiller d'un coup et dire: 'Malala a eu le Nobel, nous devons faire (de l'éducation) une priorité', craint Bina Shah, une militante féministe. Ils vont probablement dire, nous sommes fiers d'elle, mais rien ne va changer".
"Le succès de Malala se mesure au niveau des attitudes, cela encourage les familles à envoyer leurs enfants à l'école, mais est-ce que le gouvernement va fournir les ressources nécessaires, j'en doute, et je crains que l'impact concret de Malala demeure marginal", souligne A.H Nayyar, un spécialiste des questions d'éducation.
Si un plus grand nombre d'enfants vont à l'école, reste la question de la qualité des cours dans un pays où les professeurs sont souvent eux-mêmes sous-formés. Et les manuels scolaires ne tiennent pas compte de la pluralité religieuse du Pakistan et tendent à ré-écrire l'histoire nationale, marquée de nombreuses guerres, dit M. Nayyar.
Mais la qualité de la formation, un aspect pourtant crucial, reste un détail pour Saima Bibi dont la principale tâche est désormais de convaincre son mari Javed de l'autoriser à poursuivre ses études.
Sa bataille est loin d'être gagnée. Interrogé, ce dernier répond laconiquement: "j'y songe et je vais lui faire signe lorsque ma décision sera prise".
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