Aucun doute là-dessus, c'est le prix Nobel star. Après la médecine lundi, la physique mardi, la chimie mercredi et la littérature jeudi, le Nobel de la paix est décerné vendredi 10 octobre. Cette année, les favoris des bookmakers sont le pape François, l'Américain Edward Snowden ou la jeune Pakistanaise Malala.
Attribué en 2013 à l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (affiliée à l'ONU), le Nobel de la paix fait plutôt rarement l'unanimité, suscitant parfois des critiques plus ou moins acerbes.
En effet, contrairement aux autres prix Nobel, valorisant l'œuvre d'une vie dans un domaine d'excellence, le Nobel de la paix distingue bien souvent une action particulière sans que celle-ci ne soit forcément soumise à l'épreuve du temps. Exemple: une personne ou une organisation qui a résolu un conflit, élaboré un consensus pacifique, etc.
Le jury du Nobel de la paix ne prend donc pas en compte le passé –parfois sulfureux– du vainqueur, mais bien son action valorisante lors de l'année écoulée. C'est ainsi que certains choix de lauréats ont hérissé bien des poils par le passé.
Dès 1906, pour la 6e édition du Nobel de la paix, celui-ci est attribué à Theodore Roosevelt "pour ses efforts en faveur de la fin de la guerre entre la Russie et le Japon". Mais le président américain est notamment l’auteur de la doctrine du "Big Stick", visant à faire assumer à son pays une place de police internationale, fermement appuyée par les forces militaires. Pour le New York Times à l’époque, c’est tout simplement "le plus belliqueux des citoyens américains"...
En 1973, le Nobel de la paix récompense l'ancien secrétaire d'Etat américain Henry Kissinger "pour son action dans la résolution des conflits du Vietnam et du Kippour", alors même que l'Amérique est en pleine guerre du Vietnam et les pays scandinaves secoués par des manifestations anti-américaines. Sans doute le Nobel de la paix le plus controversé encore à ce jour, qui poussera même un membre du Comité Nobel a démissionner.
Une nouvelle "règle" en 2005
Une vingtaine d'années plus tard, en 1994, le choix de Yasser Arafat, Shimon Peres et Yitzhak Rabin, "pour leur avancée dans les négociations de paix entre Israël et Palestine et la signature des accords d'Oslo", est sujet à polémiques. Arafat, le dirigeant palestinien, accusé notamment de financer le terrorisme et d’utiliser les aides internationales pour acheter des armes, a ainsi été qualifié de "pire homme à avoir jamais reçu le Nobel" par l'écrivain américain Jay Nordlinger. Le Comité Nobel connaîtra encore une démission d'un de ses membres après ce Nobel triplement attribué.
Après toutes les différentes polémiques liées au background des lauréats, le Comité Nobel introduit une nouvelle "règle" en 2005. Celui-ci annonce que le prix ne reviendra plus qu'à des personnes, groupes ou organismes qui auront engagé leur existence au service des droits de l'homme, de la promotion du modèle démocratique ainsi que de la défense des voies de la diplomatie.
Las. Ces dix dernières années, les polémiques passées sur le vécu des vainqueurs se sont parfois transformées en enjeux politiques ou économiques, comme l'ont pointé du doigt des experts et des médias.
Le cas marquant le plus récent: Barack Obama. En 2009, alors qu'il est élu depuis un an et que la planète surfe sur l'"Obamania", le président américain reçoit le Nobel de la paix "pour ses efforts extraordinaires afin de renforcer la diplomatie internationale et la coopération entre les peuples".
Les dernières volontés d'Alfred Nobel non respectées
"Nous nous trouvons dans un univers particulier où les bonnes intentions sont récompensées avant qu’elles ne se soient métamorphosées en bonnes actions ou en faits réels", écrit alors Newsweek. Autre point, semble-t-il, négligé par le jury: les Etats-Unis sont à ce moment-là engagés dans deux conflits armés, dans lesquels Obama a envoyé des milliers de soldats supplémentaires après l’attribution de son prix...
Trois ans plus tard, le choix de l'Union européenne, "pour avoir contribué pendant plus de six décennies à promouvoir la paix et la réconciliation, la démocratie et les droits de l'Homme en Europe", suscite aussi son lot de critiques.
Le président tchèque, Vaclav Klaus, qualifie la décision du comité Nobel de "farce tragique", au moment ou plusieurs pays d'Europe sont engagés dans des politiques d'austérité (la Grèce notamment), avec, parfois, la montée de l'extrêmisme et de l'insécurité. En Allemagne, Angela Merkel se félicite de ce prix alors que les journaux allemands restent eux beaucoup plus circonspects. L'ancien archevêque sud-africain Desmond Tutu, prix Nobel de la paix en 1984, va plus loin. Selon lui, l'Union européenne ne devait pas recevoir le prix en 2012, estimant qu'il était "illégal", "l'UE n'œuvr(ant) pas en faveur d'un ordre mondial démilitarisé" et ne respectant pas les dernières volontés d'Alfred Nobel.
La police norvégienne saisie
Le non-respect des dernières volontés du philanthrope suédois, justement, certains détracteurs du Nobel en ont fait un argument de contestation. En avril dernier, une quinzaine de personnalités scandinaves ont ainsi saisi la police norvégienne pour contester les prix remis ces dernières années.
Parmi eux, Fredrik Heffermehl, pour qui l'attribution du Nobel de la paix ne répond plus qu'à des questions politiques et diplomatiques. "En 2009, le prix attribué à Obama a servi les intérêts des Etats-Unis, de l'OTAN et des pays occidentaux", disait-il sur Europe 1. Le prix décerné l'année dernière à l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques ne lui convient guère non plus. "C'est encore une fois complètement dans l'intérêt des Etats-Unis", dénonce-t-il. De plus, "ils appliquent un traité de désarmement, mais ils ne mettent pas un terme au militarisme", selon lui.
Si au contraire, des Nobel de la paix ont fait l'unanimité dans le monde (notamment Mère Teresa en 1979 et Nelson Mandela en 1993), les décisions sulfureuses et contestables restent nombreuses dans l'histoire du prix. Rappelons que Gandhi n'a jamais été lauréat ou que les dictateurs Staline, Hitler et Mussolini furent tous nominés en leur temps...
L'universalisme du prix
Plus qu'une découverte scientifique primée avec le Nobel de physique ou un écrivain récompensé par le Nobel de littérature, le Nobel de la paix continuera d'enflammer les passions et d'ouvrir le débat. "Aujourd'hui, la remise de ce Nobel constitue l'un des rares moments partagés par l'ensemble des nations de la Terre, explique l'historien Bruno Fuligni au HuffPost. L'universalisme du prix est inscrit dans ses gènes, puisque aucune condition d'âge, de sexe ni de nationalité ne limite le jury."
Et ce n'est pas pour rien que l'on retrouve la notion de paix dans le premier paragraphe de la Déclaration universelle des droits de l'Homme: "Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde".
Attribué en 2013 à l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (affiliée à l'ONU), le Nobel de la paix fait plutôt rarement l'unanimité, suscitant parfois des critiques plus ou moins acerbes.
En effet, contrairement aux autres prix Nobel, valorisant l'œuvre d'une vie dans un domaine d'excellence, le Nobel de la paix distingue bien souvent une action particulière sans que celle-ci ne soit forcément soumise à l'épreuve du temps. Exemple: une personne ou une organisation qui a résolu un conflit, élaboré un consensus pacifique, etc.
LIRE AUSSI:
» Le prix Nobel de médecine 2014 pour le "GPS du cerveau"
» Le prix Nobel de physique 2014 pour la diode électroluminescente (LED) bleue
» Le prix Nobel de chimie 2014 pour la microscopie à fluorescence
» Le prix Nobel de littérature décerné à Patrick Modiano
» Un siècle d'histoire du prix Nobel raconté en comics
Le jury du Nobel de la paix ne prend donc pas en compte le passé –parfois sulfureux– du vainqueur, mais bien son action valorisante lors de l'année écoulée. C'est ainsi que certains choix de lauréats ont hérissé bien des poils par le passé.
Dès 1906, pour la 6e édition du Nobel de la paix, celui-ci est attribué à Theodore Roosevelt "pour ses efforts en faveur de la fin de la guerre entre la Russie et le Japon". Mais le président américain est notamment l’auteur de la doctrine du "Big Stick", visant à faire assumer à son pays une place de police internationale, fermement appuyée par les forces militaires. Pour le New York Times à l’époque, c’est tout simplement "le plus belliqueux des citoyens américains"...
En 1973, le Nobel de la paix récompense l'ancien secrétaire d'Etat américain Henry Kissinger "pour son action dans la résolution des conflits du Vietnam et du Kippour", alors même que l'Amérique est en pleine guerre du Vietnam et les pays scandinaves secoués par des manifestations anti-américaines. Sans doute le Nobel de la paix le plus controversé encore à ce jour, qui poussera même un membre du Comité Nobel a démissionner.
Une nouvelle "règle" en 2005
Une vingtaine d'années plus tard, en 1994, le choix de Yasser Arafat, Shimon Peres et Yitzhak Rabin, "pour leur avancée dans les négociations de paix entre Israël et Palestine et la signature des accords d'Oslo", est sujet à polémiques. Arafat, le dirigeant palestinien, accusé notamment de financer le terrorisme et d’utiliser les aides internationales pour acheter des armes, a ainsi été qualifié de "pire homme à avoir jamais reçu le Nobel" par l'écrivain américain Jay Nordlinger. Le Comité Nobel connaîtra encore une démission d'un de ses membres après ce Nobel triplement attribué.
Après toutes les différentes polémiques liées au background des lauréats, le Comité Nobel introduit une nouvelle "règle" en 2005. Celui-ci annonce que le prix ne reviendra plus qu'à des personnes, groupes ou organismes qui auront engagé leur existence au service des droits de l'homme, de la promotion du modèle démocratique ainsi que de la défense des voies de la diplomatie.
Las. Ces dix dernières années, les polémiques passées sur le vécu des vainqueurs se sont parfois transformées en enjeux politiques ou économiques, comme l'ont pointé du doigt des experts et des médias.
Le cas marquant le plus récent: Barack Obama. En 2009, alors qu'il est élu depuis un an et que la planète surfe sur l'"Obamania", le président américain reçoit le Nobel de la paix "pour ses efforts extraordinaires afin de renforcer la diplomatie internationale et la coopération entre les peuples".
Les dernières volontés d'Alfred Nobel non respectées
"Nous nous trouvons dans un univers particulier où les bonnes intentions sont récompensées avant qu’elles ne se soient métamorphosées en bonnes actions ou en faits réels", écrit alors Newsweek. Autre point, semble-t-il, négligé par le jury: les Etats-Unis sont à ce moment-là engagés dans deux conflits armés, dans lesquels Obama a envoyé des milliers de soldats supplémentaires après l’attribution de son prix...
Trois ans plus tard, le choix de l'Union européenne, "pour avoir contribué pendant plus de six décennies à promouvoir la paix et la réconciliation, la démocratie et les droits de l'Homme en Europe", suscite aussi son lot de critiques.
Le président tchèque, Vaclav Klaus, qualifie la décision du comité Nobel de "farce tragique", au moment ou plusieurs pays d'Europe sont engagés dans des politiques d'austérité (la Grèce notamment), avec, parfois, la montée de l'extrêmisme et de l'insécurité. En Allemagne, Angela Merkel se félicite de ce prix alors que les journaux allemands restent eux beaucoup plus circonspects. L'ancien archevêque sud-africain Desmond Tutu, prix Nobel de la paix en 1984, va plus loin. Selon lui, l'Union européenne ne devait pas recevoir le prix en 2012, estimant qu'il était "illégal", "l'UE n'œuvr(ant) pas en faveur d'un ordre mondial démilitarisé" et ne respectant pas les dernières volontés d'Alfred Nobel.
La police norvégienne saisie
Le non-respect des dernières volontés du philanthrope suédois, justement, certains détracteurs du Nobel en ont fait un argument de contestation. En avril dernier, une quinzaine de personnalités scandinaves ont ainsi saisi la police norvégienne pour contester les prix remis ces dernières années.
Parmi eux, Fredrik Heffermehl, pour qui l'attribution du Nobel de la paix ne répond plus qu'à des questions politiques et diplomatiques. "En 2009, le prix attribué à Obama a servi les intérêts des Etats-Unis, de l'OTAN et des pays occidentaux", disait-il sur Europe 1. Le prix décerné l'année dernière à l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques ne lui convient guère non plus. "C'est encore une fois complètement dans l'intérêt des Etats-Unis", dénonce-t-il. De plus, "ils appliquent un traité de désarmement, mais ils ne mettent pas un terme au militarisme", selon lui.
Si au contraire, des Nobel de la paix ont fait l'unanimité dans le monde (notamment Mère Teresa en 1979 et Nelson Mandela en 1993), les décisions sulfureuses et contestables restent nombreuses dans l'histoire du prix. Rappelons que Gandhi n'a jamais été lauréat ou que les dictateurs Staline, Hitler et Mussolini furent tous nominés en leur temps...
L'universalisme du prix
Plus qu'une découverte scientifique primée avec le Nobel de physique ou un écrivain récompensé par le Nobel de littérature, le Nobel de la paix continuera d'enflammer les passions et d'ouvrir le débat. "Aujourd'hui, la remise de ce Nobel constitue l'un des rares moments partagés par l'ensemble des nations de la Terre, explique l'historien Bruno Fuligni au HuffPost. L'universalisme du prix est inscrit dans ses gènes, puisque aucune condition d'âge, de sexe ni de nationalité ne limite le jury."
Et ce n'est pas pour rien que l'on retrouve la notion de paix dans le premier paragraphe de la Déclaration universelle des droits de l'Homme: "Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde".
Lire aussi : Tout les infos du HuffPost sur le prix Nobel
Retrouvez les articles du HuffPost Maghreb sur notre page Facebook.