C'est Kennou, pas Kannou.
Juge, ex-présidente de l'Association des magistrats tunisiens (AMT), commissaire à la Cour internationale de justice (CIJ), militante: Kalthoum Kennou a un CV à rallonge et la langue bien pendue. En novembre, elle sera, sauf surprise, la seule femme candidate à l'élection présidentielle tunisienne.
Forte de la validation de sa candidature par l'ISIE, elle vient d'investir son bureau de campagne, un appartement "prêté par une cousine" dans le quartier tunisois de Lafayette. C'est encore spartiate, mais ça fera l'affaire. À 55 ans, Kennou se dit "indépendante" avant tout. Elle ne se sent proche d'aucun parti et se classe sobrement dans "la famille des démocrates", ces "gens qui croient en l'égalité, aux droits de l'Homme, à l'Etat laïc, à une vraie séparation des pouvoirs".
"Les anciens sont compétents, oui. Compétents en fraude."
Originaire des îles de Kerkennah, elle a vécu toute sa vie dans le quartier tunisois de Montfleury. Le syndicalisme "coulait dans les veines" de son père, Mabrouk Kennou, décédé il y a quelques mois.
Issue d'une famille de scientifiques, elle n'aime pas les calculs. Après le lycée, "le système" la dirige vers des études de droit dont elle n'a "franchement jamais été convaincue".
La jeune femme voulait étudier le journalisme "coûte que coûte". Elle rentre chez elle en pleurant, ses frères se moquent d'elle: "Tu es de gauche, et ils t'ont mis dans le droit".
Elle va pourtant persévérer dans ce "droit chemin" et deviendra une voix contre le régime au sein de la magistrature tunisienne. Elle ira jusqu'à émettre un mandat d'arrêt contre Moez Trabelsi, neveu par alliance de Ben Ali.
L'administration la mute deux fois dans les régions, d'abord à Kairouan puis à Tozeur, pour l'éloigner de la capitale.
À 22h, le 13 janvier 2011, elle enfile son pseudo Rabia Meskellil pour écrire sur Facebook: "Si le régime de Ben Ali reste, le sang coulera jusqu'aux genoux".
Aujourd'hui, elle conserve une hargne envers les membres de l'ancien régime. Elle affirme qu'elle ne travaillera pas avec eux, qu'elle ne pourrait pas travailler avec le parti Nida Tounes, qui en a fédéré plusieurs. Kalthoum Kennou n'a pas la mémoire courte.
La loi les autorise à se présenter? "Oui, mais moralement ils n'auraient pas dû".
Ils font valoir leurs compétences? "Ils sont compétents, oui. Compétents en fraude, en dossiers véreux, et tout ça. Rien ne nous garantit qu'ils ne reprendront pas les mêmes pratiques".
Elle s'interrompt pour répondre au téléphone. La période de campagne n'a pas commencé mais des candidats auraient déjà lancé la distribution de tracts. Elle tique: "C'est illégal ce qu'ils sont en train de faire". La loi d'abord.
Sa famille a appris sa candidature dans les médias
Dès avril 2014, des personnalités comme la cofondatrice du CPR Néjiha Rejiba (Om Zied) et le journaliste Kamel Labidi la poussent vers une candidature. Elle pense d'abord aux législatives, mais change d'avis après la proposition "dangereuse, contre le principe de la démocratie" d'un candidat consensuel, soumise par Ennahdha. Le 13 juillet, elle opte pour la présidentielle, pour être une candidate "pour les Tunisiens et non pour les partis politiques", préférant les parrainages citoyens aux propositions de plusieurs élus.
On lui demande souvent qui est derrière sa candidature. "Mais quand je me suis décidée, il n'y avait que mon oreiller derrière moi!". Et on dit que les juristes n'ont pas d'humour.
Ses trois enfants et son mari l'apprennent dans les médias. Kalthoum Kennou s'est remariée il y a un an avec un médecin, père lui aussi.
Kennou est une des premières à annoncer sa candidature et elle ne perd pas de temps. Dès juillet, elle commence à rassembler des parrainages sur ses propres formulaires. Pas de chance, l'ISIE finit par publier les siens et les impose aux candidats. 4000 signatures à la poubelle. Tout est à recommencer.
Au début, ce n'est pas facile. Beaucoup de "femmes voilées" lui promettent de voter pour elle, mais elles ont "peur des gens au pouvoir qui pourraient se venger d'elles". Puis, les gens ont commencé à comprendre.
Elle en rassemblera finalement près de 18.000, dont plus de 10.000 seront validées par l'Instance.
Kalthoum Kennou aime dire "par exemple" et rester dans le concret. La campagne n'a pas encore commencé, mais elle a déjà une idée de slogan: "Avec l'espoir et le travail, la Tunisie deviendra meilleure qu'avant". Elle l'admet, c'est un peu long, "il faut le réformer" (sic). Décidément, Kennou voit des réformes partout.
Aux législatives, elle va voter pour des personnes plutôt que pour un parti. Elle veut "des députés compétents" contrairement à l'actuelle "majorité écrasante de députés incompétents".
Sa candidature est "un message". C'est aussi l'occasion d'observer "les sentiments des Tunisiens vis-à-vis d'une femme candidate". Et elle ne doute pas de leur soutien.
Alors qu'elle monte en voiture, deux jeunes hommes l'interpellent: "On vous soutient, madame". Par exemple.
Juge, ex-présidente de l'Association des magistrats tunisiens (AMT), commissaire à la Cour internationale de justice (CIJ), militante: Kalthoum Kennou a un CV à rallonge et la langue bien pendue. En novembre, elle sera, sauf surprise, la seule femme candidate à l'élection présidentielle tunisienne.
Forte de la validation de sa candidature par l'ISIE, elle vient d'investir son bureau de campagne, un appartement "prêté par une cousine" dans le quartier tunisois de Lafayette. C'est encore spartiate, mais ça fera l'affaire. À 55 ans, Kennou se dit "indépendante" avant tout. Elle ne se sent proche d'aucun parti et se classe sobrement dans "la famille des démocrates", ces "gens qui croient en l'égalité, aux droits de l'Homme, à l'Etat laïc, à une vraie séparation des pouvoirs".
"Les anciens sont compétents, oui. Compétents en fraude."
Originaire des îles de Kerkennah, elle a vécu toute sa vie dans le quartier tunisois de Montfleury. Le syndicalisme "coulait dans les veines" de son père, Mabrouk Kennou, décédé il y a quelques mois.
Issue d'une famille de scientifiques, elle n'aime pas les calculs. Après le lycée, "le système" la dirige vers des études de droit dont elle n'a "franchement jamais été convaincue".
La jeune femme voulait étudier le journalisme "coûte que coûte". Elle rentre chez elle en pleurant, ses frères se moquent d'elle: "Tu es de gauche, et ils t'ont mis dans le droit".
Elle va pourtant persévérer dans ce "droit chemin" et deviendra une voix contre le régime au sein de la magistrature tunisienne. Elle ira jusqu'à émettre un mandat d'arrêt contre Moez Trabelsi, neveu par alliance de Ben Ali.
L'administration la mute deux fois dans les régions, d'abord à Kairouan puis à Tozeur, pour l'éloigner de la capitale.
À 22h, le 13 janvier 2011, elle enfile son pseudo Rabia Meskellil pour écrire sur Facebook: "Si le régime de Ben Ali reste, le sang coulera jusqu'aux genoux".
Aujourd'hui, elle conserve une hargne envers les membres de l'ancien régime. Elle affirme qu'elle ne travaillera pas avec eux, qu'elle ne pourrait pas travailler avec le parti Nida Tounes, qui en a fédéré plusieurs. Kalthoum Kennou n'a pas la mémoire courte.
La loi les autorise à se présenter? "Oui, mais moralement ils n'auraient pas dû".
Ils font valoir leurs compétences? "Ils sont compétents, oui. Compétents en fraude, en dossiers véreux, et tout ça. Rien ne nous garantit qu'ils ne reprendront pas les mêmes pratiques".
Elle s'interrompt pour répondre au téléphone. La période de campagne n'a pas commencé mais des candidats auraient déjà lancé la distribution de tracts. Elle tique: "C'est illégal ce qu'ils sont en train de faire". La loi d'abord.
Sa famille a appris sa candidature dans les médias
Dès avril 2014, des personnalités comme la cofondatrice du CPR Néjiha Rejiba (Om Zied) et le journaliste Kamel Labidi la poussent vers une candidature. Elle pense d'abord aux législatives, mais change d'avis après la proposition "dangereuse, contre le principe de la démocratie" d'un candidat consensuel, soumise par Ennahdha. Le 13 juillet, elle opte pour la présidentielle, pour être une candidate "pour les Tunisiens et non pour les partis politiques", préférant les parrainages citoyens aux propositions de plusieurs élus.
On lui demande souvent qui est derrière sa candidature. "Mais quand je me suis décidée, il n'y avait que mon oreiller derrière moi!". Et on dit que les juristes n'ont pas d'humour.
Ses trois enfants et son mari l'apprennent dans les médias. Kalthoum Kennou s'est remariée il y a un an avec un médecin, père lui aussi.
Kennou est une des premières à annoncer sa candidature et elle ne perd pas de temps. Dès juillet, elle commence à rassembler des parrainages sur ses propres formulaires. Pas de chance, l'ISIE finit par publier les siens et les impose aux candidats. 4000 signatures à la poubelle. Tout est à recommencer.
Au début, ce n'est pas facile. Beaucoup de "femmes voilées" lui promettent de voter pour elle, mais elles ont "peur des gens au pouvoir qui pourraient se venger d'elles". Puis, les gens ont commencé à comprendre.
Elle en rassemblera finalement près de 18.000, dont plus de 10.000 seront validées par l'Instance.
Kalthoum Kennou aime dire "par exemple" et rester dans le concret. La campagne n'a pas encore commencé, mais elle a déjà une idée de slogan: "Avec l'espoir et le travail, la Tunisie deviendra meilleure qu'avant". Elle l'admet, c'est un peu long, "il faut le réformer" (sic). Décidément, Kennou voit des réformes partout.
Aux législatives, elle va voter pour des personnes plutôt que pour un parti. Elle veut "des députés compétents" contrairement à l'actuelle "majorité écrasante de députés incompétents".
Sa candidature est "un message". C'est aussi l'occasion d'observer "les sentiments des Tunisiens vis-à-vis d'une femme candidate". Et elle ne doute pas de leur soutien.
Alors qu'elle monte en voiture, deux jeunes hommes l'interpellent: "On vous soutient, madame". Par exemple.
LIRE AUSSI: Interview exclusive de Kalthoum Kennou: "Les autres candidats ont beaucoup de choses à se reprocher"
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