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Interview avec Boikutt, artiste hip hop palestinien, en concert à Tunis

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Le rappeur et beatmaker palestinien Boikutt a donné une performance, dimanche dernier, dans le cadre du L’Angar, festival panarabe de musique hip hop. Le HuffPost Maghreb l’a rencontré lors de son passage à Tunis. Interview.

HuffPost Maghreb: Vous avez collaboré, en avril dernier, avec les rappeurs tunisiens WMD, Vipa et Katybon ainsi que le beatmaker tunisien Hayej sur le morceau "On the roof". Et vous voilà en concert à Tunis dans le cadre de L’Angar. Qu’est ce qui vous a marqué dans ces deux expériences?

Boikutt: D’habitude, je travaille en solo sur les beats. Sur "On the roof", j’ai eu à collaborer avec Hayej et Damar, le beatmaker palestinien résident en Jordanie. On était trois sur une seule production. C’était très intéressant. Pour cette expérience, j’ai dû sortir de ma zone de confort, m’adapter aux deux beatmakers mais aussi adapter le beat aux styles des trois rappeurs. Nous étions six artistes sur un seul morceau, avec différents background.

Et le concert, répond-il à vos attentes?

C’est mon premier au Maghreb. Ce qui était étrange, c’est que quand j’étais sur scène, j’ai senti que le public ne me comprenait pas, comme si le dialecte constituerait un obstacle. Peut-être aussi que c’est à cause de la différence du flow par rapport à ce qui se fait ici. Une telle situation est très constructive, ça me fait réfléchir… ça me fait travailler à dépasser ce genre d’obstacles. Toutefois, j’aurais souhaité qu’il y ait plus de monde au concert. Le Colisée est trop grand. Moi, je préfère les petites salles. C’est plus chaleureux et plus convivial. Il y a une meilleure énergie et beaucoup plus d’échange. Bref, le concert s’est bien passé. Je suis content. J’ai fait de nouvelles connaissances. On a échangé nos coordonnées. Et désormais, il y a plus de followers tunisiens sur mon SoundCloud.

Vous parlez beaucoup d’échange. Sur ce point, comment les choses se passent à Ramallah en particulier et en Palestine en général?

Quand j’ai sorti mon nouvel album "Hayawan Nateq" (traduit littéralement "Animal Parlant", ndlr) le 1er novembre dernier, je l’ai fait lors d’un concert. Il y avait beaucoup de gens qui en ont déjà appris les paroles. C’était une ambiance géniale! Il n’y avait pas de sièges comme ici au Colisée. Et en bonus, il y avait un bar. A Ramallah, il m’arrive de distribuer l’album gratuitement dans la rue. Il est également disponible gratuitement en ligne. Ceux qui veulent faire des dons en l’achetant peuvent le faire aussi. L’album a donc été bien distribué. Et puis, depuis 10 ans, je mets mes morceaux en téléchargement libre. Et je fais beaucoup d’efforts pour sortir des théâtres, des cafés et des bars pour faire des concerts dans la rue, dans les camps de réfugiés… dans l’espace public.

Vous écouter présenter la situation de cette manière laisse croire qu’il y a une scène hip hop dynamique en Palestine. A quels types de problèmes sont confrontés les rappeurs et autres artistes undergroud palestiniens?

C’est principalement la censure exercée par les autorités palestiniennes, sans parler de l’évidente censure israélienne. A titre d’exemples, l’artiste electro-rock Jowan Safadi et le raggaman Walaa Sbait ont souvent été harcelés et incarcérés par les Israéliens. Mes amis du groupe de rap Palestine Street du camp de réfugiés de Daheesha ont récemment eu des problèmes avec les autorités palestiniennes. Ils ont sorti un morceau contre les Accords d’Oslo, le jour de leurs commémorations. Les renseignements palestiniens les ont menacés et contraints à le supprimer de Youtube. A Gaza, c’est encore pire. C’est très dur d’avoir des autorisations pour organiser des concerts de rap.

Entre Gaza et la Cisjordanie, les problèmes diffèrent-ils? L’autoritarisme de Fatah, est-il doublé par le conservatisme du pouvoir islamiste du Hamas à Gaza?

Pour les autorités, notre mode d’expression artistique est indésirable. Nous sommes par exemple contre le nouveau projet de la création d’un Etat Palestinien sur le principe des frontières de 1967. Pour le pouvoir en Cisjordnie, notre opposition constitue un problème. Pour le pouvoir à Gaza, le caractère contestataire de la musique hip hop représente aussi un problème. Sauf que là-bas, les autorités nous oppriment en utilisant le discours religieux et identitaire pour argumenter et déguiser leur répression. La censure est là même. Ce sont les prétextes utilisés par le pouvoir qui changent.

Votre nouvel album "Hayawan Nateq", transpose-t-il cette situation? Que représente-il dans votre parcours?

J’y ai développé un nouveau style. La musique y est plus dirty. Les paroles y sont plus provocantes. J’y évoque aussi la cause palestinienne d’un angle différent, celui des problèmes internes de la société palestinienne. Il y ait de l’auto-critique. J’y dénonce la corruption et les dépassements commis par les autorités palestiniennes. J’y explique de quelle manière le pouvoir palestinien est-il devenu le prolongement de l’occupation israélienne. Nous ne pouvons pas tout reprocher à l’occupation. Nous allons devoir faire notre auto-critique afin de pouvoir résister. C’est absolument nécessaire pour se libérer.

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