Yehuda Shaul défie les préjugés. Paré d'une chemisette, d'une barbe et d'une kippa, ancien officier de l'armée israélienne, ce fils d'un ultra-orthodoxe se bat aujourd'hui pour défendre les Palestiniens des Territoires occupés.
Son association Breaking the Silence rassemble les témoignages des soldats de Tsahal pour faire la lumière sur les exactions de l'armée. Lui-même ne tarit pas d'anecdotes, comme dans cet entretien avec Libération. On est loin des histoires drôles.
Shaul protestait contre l'arrestation d'un garçon de dix ans, qui n'avait pas fait grand chose. Son officier argumente.
L'ENTRETIEN - Yehuda Shaul, co-fondateur de l... par france24
"J'avais l'impression d'être dans un film"
Publiés en France dans Le livre noir de l'occupation israélienne, les témoignages des soldats sont d'un acabit similaire.
Alors qu'un Palestinien souhaitait passer un checkpoint pour livrer du lait, un soldat l'a arrété et détenu pendant plus de 12 heures. Bien plus tard, il explique ce "truc" qu'il "regrette le plus":
Ou cet autre soldat, qui se rappelle de ces "choses que tu peux faire". Investissant la maison d'une famille palestinienne, sa compagnie s'est amusée à uriner sur les membres de la famille depuis l'étage.
D'autres témoignages illustrent l'état d'esprit ambigu de ces jeunes soldats pendant leur long service militaire (22 mois pour les femmes, trois ans pour les hommes). "On les détestait. Je les détestais. J'étais tellement raciste, là-bas, j'étais en colère contre leur saleté, leur misère, toute cette putain de situation", raconte un soldat de la Brigade Nahal.
Le regret se mêle à l'impression d'avoir vécu une parenthèse étrange, comme tente de l'expliquer un lieutenant:
Certains font par ailleurs état de l'attitude des colons vis-à-vis des Palestiniens. Dans un témoignage, on retrouve une fille palestinienne de six ans. Elle a une blessure à la tête, le crâne ouvert. Un gamin israélien lui a jeté une brique "parce qu'il n'aimait pas qu'elle passe sous sa maison". "Les enfants font ce qu'ils veulent ici", fait remarquer le soldat.
La repentance des espions en chef
Les soldats de Tsahal ne sont pas les seuls à témoigner de leur regrets ou de l'évolution de leur vision. Dans le documentaire The Gatekeepers, nominé aux Oscars 2013, les six anciens patrons du Shin Bet (le service de sécurité intérieure israélien) encore vivants se livrent au réalisateur Dror Moreh.
Torture, assassinats ciblés: ils n'omettent rien et proposent une réflexion distancée de leurs actions à la tête du contre-espionnage.
"On ne fait pas la paix avec des méthodes militaires. La paix repose sur des relations de confiance. Avec les Palestiniens, ça ne devrait pas être si difficile à construire", confie Avi Dichter, un des plus récents.
Yuval Diskin, en poste jusqu'en 2011, constate pour sa part que "pour l'ennemi, j'étais aussi un terroriste".
Entre-temps, le combat de Yehuda Shaul s'est politisé. Il lutte contre l'occupation. "On n'a pas récupéré ces territoires en 1967 pour les rendre un jour aux Palestiniens, on va rester. Chaque maison de colon qu'on construit, chaque maison de Palestinien détruite, c'est l'occupation qui s'installe".
"L'occupation est invisible, on ne peut donc pas être contre". Yehuda Shaul est conscient de l'inconscience répandue en Israël. Le mur empêche de voir.
Six patrons de Shin Bet et des soldats de Tsahal connaissent l'autre côté. Ils en ont tiré des leçons. Mais les témoignages dont Yehuda s'est fait porte-parole rappellent à l'ordre tous ceux qui, soldats et colons, ont gagné la vue sans regagner la conscience.
Son association Breaking the Silence rassemble les témoignages des soldats de Tsahal pour faire la lumière sur les exactions de l'armée. Lui-même ne tarit pas d'anecdotes, comme dans cet entretien avec Libération. On est loin des histoires drôles.
Shaul protestait contre l'arrestation d'un garçon de dix ans, qui n'avait pas fait grand chose. Son officier argumente.
"Yehuda, tu as pitié de ce garçon mais si Tsahal ne lui fait pas peur il se fera sauter avec des explosifs". C'est exactement le contraire, dis-je. C'est parce que tu le traites comme ça qu'il va devenir un kamikaze. Plus tard, on a tiré une balle en caoutchouc dans la figure d'un autre gosse. Mort. Et les gars étaient contents."
L'ENTRETIEN - Yehuda Shaul, co-fondateur de l... par france24
"J'avais l'impression d'être dans un film"
Publiés en France dans Le livre noir de l'occupation israélienne, les témoignages des soldats sont d'un acabit similaire.
Alors qu'un Palestinien souhaitait passer un checkpoint pour livrer du lait, un soldat l'a arrété et détenu pendant plus de 12 heures. Bien plus tard, il explique ce "truc" qu'il "regrette le plus":
"Ce n'est pas un terroriste, il n'était pas recherché, il ne s'en est pas pris à moi, il ne m'a pas menacé avec une arme. C'est un type normal. Quelle était l'utilité de ce que j'ai fait ? Aucune. Est-ce que ça a contribué à la sécurité de l'Etat ? Non. J'ai juste fait du mal à quelqu'un. Et ça ne va pas".
Ou cet autre soldat, qui se rappelle de ces "choses que tu peux faire". Investissant la maison d'une famille palestinienne, sa compagnie s'est amusée à uriner sur les membres de la famille depuis l'étage.
D'autres témoignages illustrent l'état d'esprit ambigu de ces jeunes soldats pendant leur long service militaire (22 mois pour les femmes, trois ans pour les hommes). "On les détestait. Je les détestais. J'étais tellement raciste, là-bas, j'étais en colère contre leur saleté, leur misère, toute cette putain de situation", raconte un soldat de la Brigade Nahal.
Le regret se mêle à l'impression d'avoir vécu une parenthèse étrange, comme tente de l'expliquer un lieutenant:
"Dans cette période de ma vie, j'avais l'impression d'être dans un film. Avec la distance, je me rend compte que j'étais dans cette dynamique auto-destructrice et que je me moquais de tout, mais vraiment de tout".
Certains font par ailleurs état de l'attitude des colons vis-à-vis des Palestiniens. Dans un témoignage, on retrouve une fille palestinienne de six ans. Elle a une blessure à la tête, le crâne ouvert. Un gamin israélien lui a jeté une brique "parce qu'il n'aimait pas qu'elle passe sous sa maison". "Les enfants font ce qu'ils veulent ici", fait remarquer le soldat.
La repentance des espions en chef
Les soldats de Tsahal ne sont pas les seuls à témoigner de leur regrets ou de l'évolution de leur vision. Dans le documentaire The Gatekeepers, nominé aux Oscars 2013, les six anciens patrons du Shin Bet (le service de sécurité intérieure israélien) encore vivants se livrent au réalisateur Dror Moreh.
Torture, assassinats ciblés: ils n'omettent rien et proposent une réflexion distancée de leurs actions à la tête du contre-espionnage.
"On ne fait pas la paix avec des méthodes militaires. La paix repose sur des relations de confiance. Avec les Palestiniens, ça ne devrait pas être si difficile à construire", confie Avi Dichter, un des plus récents.
Yuval Diskin, en poste jusqu'en 2011, constate pour sa part que "pour l'ennemi, j'étais aussi un terroriste".
Entre-temps, le combat de Yehuda Shaul s'est politisé. Il lutte contre l'occupation. "On n'a pas récupéré ces territoires en 1967 pour les rendre un jour aux Palestiniens, on va rester. Chaque maison de colon qu'on construit, chaque maison de Palestinien détruite, c'est l'occupation qui s'installe".
"L'occupation est invisible, on ne peut donc pas être contre". Yehuda Shaul est conscient de l'inconscience répandue en Israël. Le mur empêche de voir.
Six patrons de Shin Bet et des soldats de Tsahal connaissent l'autre côté. Ils en ont tiré des leçons. Mais les témoignages dont Yehuda s'est fait porte-parole rappellent à l'ordre tous ceux qui, soldats et colons, ont gagné la vue sans regagner la conscience.
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