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Comment la vie continue pour les mutilés en Afghanistan

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Les mains serrées sur des barres parallèles, Mounir Ahmad, un sergent afghan de 23 ans mutilé par une mine, apprend à marcher avec une prothèse dans un centre orthopédique, au nord de Kaboul. "L'armée ne faisait rien, dit-il. C'est ma famille qui m'a amené ici".

"Cela fait du bien de pouvoir bouger à nouveau", lâche-t-il, en sueur, dans une salle de rééducation du centre orthopédique du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) à Gulbahar, à environ 75 km de la capitale afghane.

"Ce n'est que mon deuxième jour de marche, c'est dur", poursuit le jeune homme au visage fin, vêtu d'une longue chemise traditionnelle noire et or.

Mounir était en faction dans un poste de garde du district de Panjwayi, dans la province Kandahar, un bastion taliban au sud de l'Afghanistan, quand l'explosion d'une mine lui a arraché la moitié de la jambe gauche, il y a six mois.

"Nous y étions plus forts que les talibans, mais ils ont posé plein de mines. J'ai perdu plusieurs amis à Kandahar".

Mounir est transféré deux jours plus tard à Kaboul par avion pour y être opéré. Tous les soldats de l'armée afghane n'ont pas sa chance: beaucoup succombent à leurs blessures faute d'avoir pu être évacués à temps.

"L'armée ne faisait rien"

La suite est plus compliquée. Comment apprendre à vivre avec une jambe en moins? "L'armée ne faisait rien, je ne recevais aucun traitement. C'est ma famille qui m'a amené ici", affirme-t-il.

S'il reçoit toujours une solde mensuelle d'environ 160 euros, le jeune homme ignore qui paiera pour le suivi médical, et doute que l'armée lui fournira un travail de bureau pour assurer son avenir. Idem quant à une éventuelle pension ou un dédommagement: "Je n'en sais rien, personne ne m'a rien dit".

Mounir n'a rien d'un cas isolé. En première ligne face aux rebelles talibans, l'armée afghane paie un lourd tribut au conflit et peine à prendre en charge ses blessés.

afghanistan

En 2013, au plus fort de la "saison des combats", entre avril et le mois de novembre, plus d'une dizaine de soldats ou de policiers afghans sont tués chaque jour en Afghanistan, selon des chiffres publiés par les Américains.

Et 2014 n'offre guère de perspectives réjouissantes: la grande majorité des 58.000 soldats de l'Otan doivent quitter le pays d'ici la fin de l'année, faisant craindre une flambée de violences, de surcroît dans un contexte politique sensible, avec une élection présidentielle indécise prévue le 5 avril.

"Tous les jours nous avons des soldats et des policiers qui viennent, souvent gravement blessés", souligne Alberto Cairo, responsable du programme de rééducation du CICR, une organisation qui a enregistré 1.500 nouveaux patients victimes de la guerre en 2013. "Les hôpitaux militaires nous demandent d'accepter leurs malades, nous disons toujours oui", ajoute-t-il.

"Ils peuvent encore avoir une belle vie"

Interrogé sur la prise en charge des soldats blessés, le porte-parole du ministère afghan de la Défense, le général Mohammed Zahir Azimi, assure pourtant que l'armée afghane est en mesure de faire face.

"Nous gérons bien la situation des soldats blessés, et nous avons suffisamment de personnel médical dans chaque unité" dit-il tout en admettant que l'armée "essaye d'augmenter le nombre" de ses médecins et infirmiers.

"La baisse du nombre d'hélicoptères américains", due au retrait progressif des troupes étrangères, "a affecté le transport des blessés, mais avec l'arrivée de deux C-130 (donnés par l'armée américaine, ndlr), nous avons pu compenser en bonne partie", affirme-t-il.

Le centre orthopédique de Gulbahar est un triste témoignage de plus de trois décennies de guerre continue depuis l'invasion soviétique de fin 1979. On y croise Annifar, venue faire ajuster sa jambe artificielle. Aujourd'hui âgée de 33 ans, elle n'en avait que six lorsqu'elle a sauté sur une mine.

Et Marzai, 24 ans, devenue aide médicale après avoir perdu sa jambe il y a 12 ans quand une munition abandonnée a explosé dans son village. Elle professe l'espoir: "Je dis aux nouveaux patients qu'ils ne sont pas seuls. Qu'ils peuvent encore avoir une belle vie".

Mounir espère justement que le centre orthopédique sera pour lui le point de départ d'une nouvelle vie. "J'aimerais être utile, travailler", confie-t-il. "Je suis aussi venu ici pour voir si ce sera possible".

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