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Tunisie - La Constitution, un an plus tard. Cinq lois à réformer: La prostitution (3/5)

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A l'occasion du premier anniversaire de la Constitution, le HuffPost Tunisie a sélectionné cinq lois à réformer pour une société plus juste et égalitaire. Elles concernent la consommation de cannabis, l'homosexualité, la prostitution, le viol conjugal et l'héritage.

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Un an après la promulgation de la nouvelle Constitution le 10 février 2014, la Tunisie porte toujours le lourd fardeau juridique hérité de près de cinquante ans de dictature.

Le processus démocratique est loin d'être achevé et les principes inscrits dans la Constitution n'ont toujours pas donné lieu aux réformes attendues, particulièrement en ce qui concerne les catégorie sociales discriminées dont entre autres les femmes.

La Constitution consacre l'égalité entre les "citoyens et les citoyennes" en droits et en devoirs, la dignité de la personne et son intégrité physique.

L'article 46 de la Constitution impose également à l'Etat d'oeuvrer au développement et au renforcement des droits des femmes ainsi qu'éliminer les formes de violence dont elles sont victimes.

Tout début de construction d'une société moderne et équilibrée passe d'abord par des réformes juridiques qui seront plus tard les bases solides d'un réel changement social, il relève donc du rôle de la nouvelle Assemblée des Représentants du Peuple de poser les premières pierres d'un Etat de Droit.

Troisième partie: La prostitution


A l'exception de la prostitution relevant de la compétence de l'Etat, le code pénal tunisien sanctionne dans son article 231 la personne prostituée et le client de façon égalitaire même si la jurisprudence tend à favoriser le client.

Cette loi punitive issue de la colonisation française et dont les dispositions ont ont été modifiées par l'État tunisien indépendant impose une sanction pouvant aller jusqu'à deux ans de prison assortie d'une amende de 200 dinars tout au plus.

Article 231: "Hors les cas prévus par les règlements en vigueur, les femmes qui, par gestes ou par paroles, s'offrent aux passants ou se livrent à la prostitution, même à titre occasionnel, sont punies de 6 mois à 2 ans d'emprisonnement, et de 20 à 200 dinars d'amende.

Est considérée comme complice et punie de la même peine toute personne qui a eu des rapports sexuels avec l'une de ces femmes."


Dans le monde, les approches étatiques vis-à-vis du travail du sexe sont différentes et parfois presque contradictoires. On peut parler de prohibitionnisme comme dans la plupart des pays arabes ou encore de dépénalisation comme au Danemark.

Dans d'autres pays, on s'acharne dans des tentatives d’abolitionnisme en suivant les traces du modèle suédois. En effet, depuis 1999, la Suède qui se distingue par un féminisme d'État a adopté une loi qui prévoit l'interdiction de l'achat d'actes sexuels en pénalisant le client et en présentant la personne prostituée en tant que victime et dans le besoin d'aide sociale.

En termes de solutions législatives, d'autres assemblées se résignent en cédant au réglementarisme français. Par exemple, en 2002 une loi a été votée en Allemagne visant à accorder des droits et obligations aux personnes prostituées en leur accordant une couverture sociale ou encore la possibilité de porter plainte contre un employeur ou un client.

Par contre, en Tunisie, la situation est exceptionnelle. En effet, la prostitution est un secteur qui relève de la compétence exclusive de l'Etat. C'est à dire qu'elle n'est considérée comme étant légale que dans le cadre restreint prévue par le ministère compétent qui est celui de l'intérieur.

Régulée par le décret du 30 avril 1942, la définition juridique de la personne prostituée est pour le moins anachronique.

"Femme qui s’offre contre rémunération ; celle qui fréquente d’autres prostituées, des proxénètes masculins ou féminins ; celle qui provoque par gestes obscènes, qui erre sur la voie publique ; celle qui fréquente les hôtels, les boites de nuit, les débits de boisson, les salles de spectacle ; celle qui d’âge inférieur à 50 ans fait partie du personnel domestique d’une maison de prostitution."


Selon cette même réglementation, afin de quitter le registre de la prostitution, il faut démontrer avoir une manière “honnête” de gagner sa vie et obtenir l’accord de la police et du personnel médical chargé du contrôle sanitaire.

Cet agencement répressif du milieu prostitutionnel met en évidence la mainmise du ministère de l'Intérieur sur les travailleuses du sexe.

Néanmoins, ceci n'empêchera pas l'attaque et la fermeture de plusieurs bordels étatiques après la révolution, à l'initiative de groupes d'extrémistes religieux, dans un silence parfois jugé complice des autorités.



Face aux agressions subies par ces dernières, notamment lors des affrontements dans l'impasse Sidi Abdallah Gueche à Tunis, les agents de police en civils toujours omniprésents n'ont pas su contenir les extrémistes religieux venus saccager et brûler les chambres des prostituées. Ces policiers avaient été accusés de complaisance avec les assaillants, mais cette complicité présumée n'a pas été prouvée.

La conséquence logique de ces événements a été la prolifération de la prostitution clandestine et la multiplication d'incidents violents visant les prostitués. Le syndicaliste Walid Zarrouk affirme même que des personnes influentes entretenant des liens étroits avec de hauts responsables de la sûreté gèrent le trafic de la prostitution clandestine.

"Il n’ y a pas une volonté politique concrète pour lutter contre le terrorisme, la prostitution, la contrebande, le trafic de la drogue…Tous ces crimes sont en étroite liaison et, profitant du chaos, les réseaux qui les animent ont infiltré l’institution sécuritaire."


La précarité de ces travailleuses du sexe aujourd'hui au chômage ou en situation irrégulière ne suscite ni l'intérêt d'une grande partie de la société civile, ni la préoccupation du gouvernement même si l'État tunisien évoque dans sa Constitution le droit des citoyens et citoyennes au travail dans des conditions décentes.

En mars 2014, leurs revendications sociales on été entendues par Mehrezia Labidi, vice-présidente de l'Assemblée constituante.

LIRE AUSSI: Des prostituées demandent la réouverture d'une maison close... Mehrezia Labidi les reçoit à l'Assemblée


Le besoin urgent de réformes légales et sociales pour concernant le travail du sexe n'est toujours pas à l'ordre du jour dans les programmes des partis politiques, ni la priorité des députes de l'Assemblée.

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