Cela fait plus d’un an que l’affaire de Meriem Ben Mohamed (Pseudonyme) a soulevé l’indignation en Tunisie et à l’étranger. La jeune femme avait porté plainte contre trois policiers qu'elle a accusé de viol, pour se retrouver ensuite accusée, à son tour, d’atteinte à la pudeur.
Aujourd’hui, elle est de nouveau considérée par la justice comme une victime mais elle craint que l’impunité gagne l’impartialité de la justice. Après plusieurs reports du procès, Meriem espérait pouvoir enfin témoigner devant le juge le 20 janvier à Tunis. Son procès a finalement été reporté une autre fois au 13 février 2014.
La jeune femme s’est confiée au HuffPost Maghreb la veille de son procès.
HuffPost Maghreb: Où en êtes vous aujourd’hui, plus d’un an après le dépôt de votre plainte pour viol contre trois policiers?
Meriem: Je suis à Paris où j’ai repris mes études. Ce n’est pas très facile de me concentrer car mon procès est toujours en cours. Je dois donc faire de nombreux allers-retours en Tunisie. L’essentiel pour moi, c’est ce procès, mais je dois aussi me reconstruire, ce n’est pas facile quand je suis loin de ma famille. Je suis allée en Tunisie en octobre pour faire une expertise psychologique à la demande du juge mais elle n’était pas encore prête le 4 novembre quand je m'étais présentée au procès. Du coup il y a eu beaucoup de reports, j’espère que le 20 janvier sera la bonne.
Pourquoi êtes-vous partie à Paris?
Pour plusieurs raisons. La première c’est que c’était devenu invivable pour mois d’être à Tunis pendant les premiers temps qui ont suivi la médiatisation de mon affaire. Je recevais des menaces de la part des familles des policiers en cause. Une partie de ma famille n’était pas au courant de ce qu’il s’était passé, c’était trop tendu. On m’a offert cette opportunité, je l’ai saisie mais je pense retourner en Tunisie une fois que le procès sera fini, s’il y a une justice.
J’ai peur des représailles qui m’attendent si ces gens-là ne sont pas punis.
Pensez-vous que les coupables peuvent être acquittés?
C’est devenu difficile à dire depuis le moment où le juge d’instruction a considéré que j’étais coupable d’atteinte à la pudeur. C’est à lui que j’avais raconté mon histoire et on a vu le résultat. Pour l’instant je n’ai pas encore eu l’occasion de témoigner face au juge en charge de l’affaire, notamment à cause des nombreux reports du procès. J’espère que je vais pouvoir parler le 20 janvier, le jour de mon audience. J’ai peur car il y a encore une certaine impunité en Tunisie. Le jeune homme qui est mort en novembre dernier par exemple, Welid Denguir, on ne sait toujours pas si c’est à cause des maltraitances qu’il a subies de la police. Quand on entend ce genre d’histoires, c’est assez effrayant.
Êtes-vous prête à reparler de ça aujourd’hui?
Oui je suis prête à me battre jusqu’au bout. Le plus dur, c’est d’être confrontée à chaque fois aux accusés car tout me revient en mémoire dès que je les vois. Mais je sais que je me suis endurcie et je ne lâcherai pas cette affaire. Aujourd’hui, je suis prête à raconter ce qui s’est passé dans un tribunal. Je ne regretterai jamais d’avoir porté plainte.
Est-ce que vous avez subi d'autres intimidations pour vous dissuader de continuer?
Oui je le sens plus dans les regards surtout des policiers qui travaillent au sein du tribunal. Ils me provoquent, me demandent sans cesse de me taire alors que je ne parle pas à chaque audience, ou ils me fixent du regard. L’une de mes avocates l’a remarqué la dernière fois. Je viens toujours au procès sans ma famille car je refuse de les impliquer là-dedans. Il y a mes avocates mais aussi des gens de l’organisation mondiale contre la torture et des femmes de l’ATFD (Association tunisienne des femmes démocrates). Parfois, c’est assez dur de faire face aux familles des accusés qui sont persuadées que je mens.
L'année dernière, vous avez écrit un livre avec une journaliste du Parisien, est-ce que vous considérez que cela vous a aidé dans votre démarche?
Je voulais en parler parce qu’encore aujourd’hui, je me sens coupable. Ce que les gens ont dit de moi quand j’ai déposé ma plainte, notamment le fait que j’étais en minijupe, ou que j’étais avec mon petit ami dans une voiture à une heure tardive, tout ça je le ressens encore comme une faute. Après, j’espère que le livre qui est sorti en Tunisie, peut inciter aussi d’autres femmes à parler et à porter plainte surtout, car ce n’est pas la première fois que des policiers sont impliqués dans ce genre d’histoire.
L’un des accusés dans mon procès a déjà été impliqué dans une affaire de viol d’ailleurs.
Est-ce que votre famille vous soutient?
Oui, maintenant une grande partie est au courant. Ils sont là pour moi mais on évite de parler du sujet. C’est un soulagement que mon père soit au courant même si j’ai du mal à parler de ça avec lui.
C’est aussi difficile d’en parler avec mon petit ami même s’il a toujours été à mes côtés dans cette histoire.
En plus il y a aussi une certaine mobilisation du côté de la société civile, c’est rassurant de voir que plus d’un an après, certaines personnes sont encore là.
Quels sont vos projets? Est-ce que la suite dépend du verdict du procès?
Oui le procès et le jugement seront déterminants pour moi. Même à mon père qui me dit que je dois me reconstruire, je ne peux m’empêcher de lui répondre qu’il faut qu’il y ait une justice sinon je ne pourrai pas. Je ne pourrai pas retourner en Tunisie s’ils sont acquittés. En plus, les accusés continuent de nier les faits. Alors que la première fois que l’un d’eux a été confronté à moi au début du procès, il m’avait demandé de lui pardonner. Aujourd’hui, ils n’assument même pas leur acte, ni leur responsabilité.
Pour ce qui est de mes projets personnels, disons que je voudrais recommencer à travailler et à avoir une vie sociale. J’ai 29 ans, je voudrais gagner ma vie. Mais je ne suis pas prête à me marier et je ne crois pas que je veux me marier un jour d’ailleurs.
Est-ce que vous pensez que la justice juge encore les affaires de mœurs d’une façon biaisée?
Je pense que le viol est un vrai tabou tout comme les déviances policières. Tous les policiers ne sont pas des criminels mais ceux qui commettent des délits sont très rarement punis. Quant au viol, beaucoup jugent souvent que la fille l’a cherché. Moi-même je me sens encore coupable notamment pour la souffrance que je fais subir à ma famille avec cette histoire. Mais je ne regrette pas d’avoir engagé un procès.
Aujourd’hui, elle est de nouveau considérée par la justice comme une victime mais elle craint que l’impunité gagne l’impartialité de la justice. Après plusieurs reports du procès, Meriem espérait pouvoir enfin témoigner devant le juge le 20 janvier à Tunis. Son procès a finalement été reporté une autre fois au 13 février 2014.
La jeune femme s’est confiée au HuffPost Maghreb la veille de son procès.
HuffPost Maghreb: Où en êtes vous aujourd’hui, plus d’un an après le dépôt de votre plainte pour viol contre trois policiers?
Meriem: Je suis à Paris où j’ai repris mes études. Ce n’est pas très facile de me concentrer car mon procès est toujours en cours. Je dois donc faire de nombreux allers-retours en Tunisie. L’essentiel pour moi, c’est ce procès, mais je dois aussi me reconstruire, ce n’est pas facile quand je suis loin de ma famille. Je suis allée en Tunisie en octobre pour faire une expertise psychologique à la demande du juge mais elle n’était pas encore prête le 4 novembre quand je m'étais présentée au procès. Du coup il y a eu beaucoup de reports, j’espère que le 20 janvier sera la bonne.
Pourquoi êtes-vous partie à Paris?
Pour plusieurs raisons. La première c’est que c’était devenu invivable pour mois d’être à Tunis pendant les premiers temps qui ont suivi la médiatisation de mon affaire. Je recevais des menaces de la part des familles des policiers en cause. Une partie de ma famille n’était pas au courant de ce qu’il s’était passé, c’était trop tendu. On m’a offert cette opportunité, je l’ai saisie mais je pense retourner en Tunisie une fois que le procès sera fini, s’il y a une justice.
J’ai peur des représailles qui m’attendent si ces gens-là ne sont pas punis.
Pensez-vous que les coupables peuvent être acquittés?
C’est devenu difficile à dire depuis le moment où le juge d’instruction a considéré que j’étais coupable d’atteinte à la pudeur. C’est à lui que j’avais raconté mon histoire et on a vu le résultat. Pour l’instant je n’ai pas encore eu l’occasion de témoigner face au juge en charge de l’affaire, notamment à cause des nombreux reports du procès. J’espère que je vais pouvoir parler le 20 janvier, le jour de mon audience. J’ai peur car il y a encore une certaine impunité en Tunisie. Le jeune homme qui est mort en novembre dernier par exemple, Welid Denguir, on ne sait toujours pas si c’est à cause des maltraitances qu’il a subies de la police. Quand on entend ce genre d’histoires, c’est assez effrayant.
Êtes-vous prête à reparler de ça aujourd’hui?
Oui je suis prête à me battre jusqu’au bout. Le plus dur, c’est d’être confrontée à chaque fois aux accusés car tout me revient en mémoire dès que je les vois. Mais je sais que je me suis endurcie et je ne lâcherai pas cette affaire. Aujourd’hui, je suis prête à raconter ce qui s’est passé dans un tribunal. Je ne regretterai jamais d’avoir porté plainte.
Est-ce que vous avez subi d'autres intimidations pour vous dissuader de continuer?
Oui je le sens plus dans les regards surtout des policiers qui travaillent au sein du tribunal. Ils me provoquent, me demandent sans cesse de me taire alors que je ne parle pas à chaque audience, ou ils me fixent du regard. L’une de mes avocates l’a remarqué la dernière fois. Je viens toujours au procès sans ma famille car je refuse de les impliquer là-dedans. Il y a mes avocates mais aussi des gens de l’organisation mondiale contre la torture et des femmes de l’ATFD (Association tunisienne des femmes démocrates). Parfois, c’est assez dur de faire face aux familles des accusés qui sont persuadées que je mens.
L'année dernière, vous avez écrit un livre avec une journaliste du Parisien, est-ce que vous considérez que cela vous a aidé dans votre démarche?
Je voulais en parler parce qu’encore aujourd’hui, je me sens coupable. Ce que les gens ont dit de moi quand j’ai déposé ma plainte, notamment le fait que j’étais en minijupe, ou que j’étais avec mon petit ami dans une voiture à une heure tardive, tout ça je le ressens encore comme une faute. Après, j’espère que le livre qui est sorti en Tunisie, peut inciter aussi d’autres femmes à parler et à porter plainte surtout, car ce n’est pas la première fois que des policiers sont impliqués dans ce genre d’histoire.
L’un des accusés dans mon procès a déjà été impliqué dans une affaire de viol d’ailleurs.
Est-ce que votre famille vous soutient?
Oui, maintenant une grande partie est au courant. Ils sont là pour moi mais on évite de parler du sujet. C’est un soulagement que mon père soit au courant même si j’ai du mal à parler de ça avec lui.
C’est aussi difficile d’en parler avec mon petit ami même s’il a toujours été à mes côtés dans cette histoire.
En plus il y a aussi une certaine mobilisation du côté de la société civile, c’est rassurant de voir que plus d’un an après, certaines personnes sont encore là.
Quels sont vos projets? Est-ce que la suite dépend du verdict du procès?
Oui le procès et le jugement seront déterminants pour moi. Même à mon père qui me dit que je dois me reconstruire, je ne peux m’empêcher de lui répondre qu’il faut qu’il y ait une justice sinon je ne pourrai pas. Je ne pourrai pas retourner en Tunisie s’ils sont acquittés. En plus, les accusés continuent de nier les faits. Alors que la première fois que l’un d’eux a été confronté à moi au début du procès, il m’avait demandé de lui pardonner. Aujourd’hui, ils n’assument même pas leur acte, ni leur responsabilité.
Pour ce qui est de mes projets personnels, disons que je voudrais recommencer à travailler et à avoir une vie sociale. J’ai 29 ans, je voudrais gagner ma vie. Mais je ne suis pas prête à me marier et je ne crois pas que je veux me marier un jour d’ailleurs.
Est-ce que vous pensez que la justice juge encore les affaires de mœurs d’une façon biaisée?
Je pense que le viol est un vrai tabou tout comme les déviances policières. Tous les policiers ne sont pas des criminels mais ceux qui commettent des délits sont très rarement punis. Quant au viol, beaucoup jugent souvent que la fille l’a cherché. Moi-même je me sens encore coupable notamment pour la souffrance que je fais subir à ma famille avec cette histoire. Mais je ne regrette pas d’avoir engagé un procès.
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