Coincé entre ses machines dans les 4 mètres carrés de son arrière-cour, Hatem Garmazi a fière allure. Il ouvre un flacon et déverse quelques grammes de nitrate de potassium, élément chimique à la base des explosifs. Hatem l’allume à la flamme d’un briquet. La poudre explose et disparaît, comme dans un tour de magie.
Hatem a 17 ans lorsque, en 1993, l’illumination lui tombe dessus. Son métier de mécanicien ne l’intéresse pas suffisamment: Il va construire et réparer des armes à feu.
Dix ans plus tard, il cesse totalement ses activités de mécanicien pour se vouer entièrement à sa nouvelle passion. Il n’a appris ni dans les livres ni sur internet: il sait le faire, tout simplement, "grâce à Dieu".
Au fil des ans, Hatem va affiner son savoir-faire. Dans sa maison de la cité Ennour, à Kasserine, où il habite avec sa mère, sa sœur et sa nièce, il entasse de plus en plus de matériel. Il y conserve même une bonne dose de TNT.
Les "clients" affluent, sa passion est devenue son gagne-pain.
À 38 ans, Hatem a réparé 480 armes à feu. Il tient minutieusement ses comptes dans un cahier. Une réparation lui rapporte entre 80 et 1200 dinars, "selon le problème".
Les chasseurs, la police, et "Al Qaïda"
"Ma source de revenu principale, c’est les chasseurs", explique Hatem. "Les saisons de chasse, c’est octobre, mars et juin". Il s’en met alors plein les poches. Le reste du temps, c’est plus aléatoire. En janvier, il n’a pas gagné grand-chose.
Heureusement pour Hatem, les chasseurs ne sont pas les seuls à faire appel à lui. Des policiers et des agents de la Garde nationale du gouvernorat de Kasserine viennent régulièrement lui confier leurs armes de service. Hatem montre la vidéo d’un Steyr AUG, le fusil d’assaut de production autrichienne fourni aux forces de police et la garde nationale tunisiennes. Il en a réparé le canon enrayé.
Tout est au noir, Hatem n’a pas de licence. Il a bien tenté de faire les démarches auprès du ministère de l’Intérieur, mais sans succès. Il ne sait pas pourquoi. Pourtant, il préfèrerait "faire des armes pour l’Etat". Selon la loi en vigueur depuis 1969, la réparation des armes est soumise à l’autorisation préalable du ministère.
Pour le moment, il ne fait les armes que pour lui-même. Il en a construit 5, dont un sniper élaboré sur la base d’un fusil de chasse. A chaque fois, il publie une vidéo ou une photo de son exploit sur Facebook. Etant donné son activité, son profil est ardemment surveillé et la police vient immédiatement confisquer la nouvelle création.
Alors que la loi de 1969 punit de deux à cinq ans d’emprisonnement "l’introduction et la détention" d’armes de guerre, Hatem n’a pas encore été inquiété juridiquement, mis à part une semaine passée derrière les barreaux sous le régime de Ben Ali.
Au cours des dernières années, les gouvernements successifs ont fait part de nombreuses saisies d’armes à feu dans la région (en janvier 2014, en octobre 2013, en février 2013 …).
Kasserine est également connue pour le Mont Chaâmbi, où s’abriterait, selon le gouvernement, un groupe "terroriste" responsable de plusieurs attentats contre les forces de sécurité.
Un génie des armes travaillant au noir à Kasserine, ça ne court pas les rues. Hatem affirme d’ailleurs être le seul. Il n’est donc pas étonné plus que ça lorsqu’il reçoit, en octobre 2014, un appel d’un numéro inconnu. La voix au bout du fil lui propose de travailler pour un groupe de combattants. Hatem refuse et contacte immédiatement la police.
Avec le temps, Hatem est devenu une star locale dans son quartier. Tout le monde est au courant de ses activités. Il a même été invité sur le plateau de l’émission Labes de Naoufel Ouertani.
"Ouertani m’a par la suite traité de fou, il disait que je serai incapable de construire un canon", raconte Hatem. Il rentre donc à Kasserine et entame la construction d’un canon, miniature mais opérationnel.
Une fois réalisé, il publie la vidéo du résultat sur Facebook. Très vite, la police passe confisquer le canon, "comme d’habitude". Mais Hatem travaille déjà à son nouveau projet. Un dispositif d’explosion à distance. En attendant que l’Etat lui achète enfin – et officiellement - ses loyaux services.
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Hatem a 17 ans lorsque, en 1993, l’illumination lui tombe dessus. Son métier de mécanicien ne l’intéresse pas suffisamment: Il va construire et réparer des armes à feu.
Dix ans plus tard, il cesse totalement ses activités de mécanicien pour se vouer entièrement à sa nouvelle passion. Il n’a appris ni dans les livres ni sur internet: il sait le faire, tout simplement, "grâce à Dieu".
Au fil des ans, Hatem va affiner son savoir-faire. Dans sa maison de la cité Ennour, à Kasserine, où il habite avec sa mère, sa sœur et sa nièce, il entasse de plus en plus de matériel. Il y conserve même une bonne dose de TNT.
Les "clients" affluent, sa passion est devenue son gagne-pain.
À 38 ans, Hatem a réparé 480 armes à feu. Il tient minutieusement ses comptes dans un cahier. Une réparation lui rapporte entre 80 et 1200 dinars, "selon le problème".
Les chasseurs, la police, et "Al Qaïda"
"Ma source de revenu principale, c’est les chasseurs", explique Hatem. "Les saisons de chasse, c’est octobre, mars et juin". Il s’en met alors plein les poches. Le reste du temps, c’est plus aléatoire. En janvier, il n’a pas gagné grand-chose.
Heureusement pour Hatem, les chasseurs ne sont pas les seuls à faire appel à lui. Des policiers et des agents de la Garde nationale du gouvernorat de Kasserine viennent régulièrement lui confier leurs armes de service. Hatem montre la vidéo d’un Steyr AUG, le fusil d’assaut de production autrichienne fourni aux forces de police et la garde nationale tunisiennes. Il en a réparé le canon enrayé.
"Les policiers ont peur d’être punis si leur arme est défectueuse", pense savoir Hatem. "Alors, ils préfèrent venir me voir ".
Tout est au noir, Hatem n’a pas de licence. Il a bien tenté de faire les démarches auprès du ministère de l’Intérieur, mais sans succès. Il ne sait pas pourquoi. Pourtant, il préfèrerait "faire des armes pour l’Etat". Selon la loi en vigueur depuis 1969, la réparation des armes est soumise à l’autorisation préalable du ministère.
Pour le moment, il ne fait les armes que pour lui-même. Il en a construit 5, dont un sniper élaboré sur la base d’un fusil de chasse. A chaque fois, il publie une vidéo ou une photo de son exploit sur Facebook. Etant donné son activité, son profil est ardemment surveillé et la police vient immédiatement confisquer la nouvelle création.
Alors que la loi de 1969 punit de deux à cinq ans d’emprisonnement "l’introduction et la détention" d’armes de guerre, Hatem n’a pas encore été inquiété juridiquement, mis à part une semaine passée derrière les barreaux sous le régime de Ben Ali.
Au cours des dernières années, les gouvernements successifs ont fait part de nombreuses saisies d’armes à feu dans la région (en janvier 2014, en octobre 2013, en février 2013 …).
Kasserine est également connue pour le Mont Chaâmbi, où s’abriterait, selon le gouvernement, un groupe "terroriste" responsable de plusieurs attentats contre les forces de sécurité.
Un génie des armes travaillant au noir à Kasserine, ça ne court pas les rues. Hatem affirme d’ailleurs être le seul. Il n’est donc pas étonné plus que ça lorsqu’il reçoit, en octobre 2014, un appel d’un numéro inconnu. La voix au bout du fil lui propose de travailler pour un groupe de combattants. Hatem refuse et contacte immédiatement la police.
Il a conservé le fameux numéro, enregistré dans son téléphone portable sous le nom "Al Qaïda".
Avec le temps, Hatem est devenu une star locale dans son quartier. Tout le monde est au courant de ses activités. Il a même été invité sur le plateau de l’émission Labes de Naoufel Ouertani.
"Ouertani m’a par la suite traité de fou, il disait que je serai incapable de construire un canon", raconte Hatem. Il rentre donc à Kasserine et entame la construction d’un canon, miniature mais opérationnel.
Une fois réalisé, il publie la vidéo du résultat sur Facebook. Très vite, la police passe confisquer le canon, "comme d’habitude". Mais Hatem travaille déjà à son nouveau projet. Un dispositif d’explosion à distance. En attendant que l’Etat lui achète enfin – et officiellement - ses loyaux services.
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