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Tunisie: Le récap' des articles votés de la Constitution: Les principes généraux, les droits et les libertés (Partie 1)

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Depuis le 3 janvier dernier, les députés de l'Assemblée nationale constituante (ANC) votent les articles du projet de Constitution.

Treize jours de débats souvent mouvementés ont ainsi abouti à l'adoption d'une centaine d'articles. Retour sur les principes généraux, les droits et les libertés inscrits jusque-là dans la Constitution.

Le Préambule de la Constitution:
Un pot-pourri de principes énoncés... La Méditerranée rejetée


Le Préambule de la Constitution tunisienne est un mélange surprenant des différentes sensibilités représentées au sein de l'Assemblée.

De l'Islam aux principes universels des droits de l'Homme, en passant par l'identité arabo-musulmane, ce Préambule énonce des principes divers, un puits sans fond absorbant l'ensemble des dispositions que les Constituants ont voulu intégrer... à l'exception de l'appartenance à la Méditerranée.

Les avancées

  • Les avancées du Préambule concernent notamment la place de l'Islam dans la Constitution. Dans la version originale, celle-ci se "basait" sur les enseignements de l'Islam. Cette formule a été remplacée par une autre moins contraignante qui énonce "l'attachement de notre peuple aux enseignements de l'Islam", fruit du consensus entre les différents blocs. Ainsi, les amendements visant à faire de l'Islam la source principale de la législation ont tous été rejetés.


  • L'inscription de l'universalité des droits de l'Homme a également fait couler beaucoup d'encre. Rejetée par Ennahdha lors des débats en commission, cette universalité a ensuite été conditionnée par "les spécificités culturelles" du peuple tunisien, avant que cette condition ne soit définitivement supprimée.


Les points de divergence

  • Les désaccords ont tourné principalement autour de l'appartenance culturelle et identitaire du "peuple tunisien". Si les références à l'Islam, à l'identité et à la culture arabo-musulmanes ne manquent pas, l'appartenance "méditerranéenne" a été rejetée par une majorité des élus. Cette disposition était en effet perçue comme une étape vers la normalisation avec l'Etat d'Israël.


  • Cette perception a été accentuée par le rejet massif des députés islamistes de toute référence au sionisme comme étant une forme de colonialisme et de racisme.


Les principes généraux: Du tout religieux à la liberté de conscience en passant par la famille et l'interdiction du "takfir"


Le premier chapitre de la Constitution énonce les principes généraux de la République tunisienne. A l'Islam, l'Etat civil, le drapeau ou la devise s'ajoutent les principes de décentralisation, de devoir sacré vis-à-vis de la patrie par le service national ou de la société, par le paiement des impôts.

Le statu quo

  • A l'image des articles 1 et 2, les principes énoncés dans ce chapitre institue le statu quo, avec des dispositions largement inspirées de la Constitution de 1959. Si l'article 1 reste volontairement flou en ce que l'Islam serait la religion d'Etat ou de la Tunisie, l'article 2 n'est pas plus explicite, en énonçant un "Etat civil basé sur la citoyenneté et la primauté du droit". La notion d'Etat civil n'est pas clairement définie et permet diverses interprétations.


  • A l'image de ces deux premiers articles, l'article 6 illustre la dichotomie entre libertés individuelles et prépondérance de la religion. S'il énonce la liberté de conscience, de croyance et d'exercice des cultes, l'article dispose également que "l'Etat est garant de la religion" et "protecteur du sacré". Entre l'interdiction du takfir (accusation d'apostasie) et la protection du "sacré" (non défini), la liberté de conscience se trouve encadrée par un tout religieux posant les limites de l'expression en rapport avec une religion "garantie". Encore le fruit d'un consensus difficilement conciliable, cet article est décrié par les défenseurs de la laïcité autant que par les islamistes radicaux.


Les points en suspens

  • Avant l'individu, la famille obtient une place de choix en caracolant en tête des principes généraux de la Constitution, immédiatement après la religion. Ainsi, la famille est présentée comme "la cellule fondamentale" de la société et bénéficie de la protection de l'Etat. Les retombées juridiques d'une telle disposition restent inconnues.


  • Après la famille, place aux jeunes... ou presque. L'article 8 présente la jeunesse comme "une force vive dans la construction de la nation". Mais aucune contrainte n'incombe à l'Etat pour favoriser leur participation dans les sphères sociale, politique ou économique. Un amendement a été présenté par les députés Al Massar, visant à mettre en place les "garanties juridiques nécessaires", mais n'a pas recueilli le nombre de voix nécessaires.


  • L'article 19 enfin fait craindre que les traités internationaux ratifiés par la Tunisie mais non approuvés par une "assemblée représentative" n'aient qu'un rang "infra-législatif", les rendant caduques.


Les droits et les libertés: Des avancées et des incertitudes


L'égalité entre les citoyens et les citoyennes, les droits de femmes, les libertés fondamentales d'expression, d'opinion ou de manifestation ou encore les droits des enfants et des personnes handicapés, les 28 articles du chapitre des "Droits et Libertés" fait un tour d'horizon relativement complet des droits à garantir dans une Constitution. L'article 48 clôture le chapitre par une limitation des contrôles de l'ensemble de ces "libertés", alors que certains articles maintiennent un flou volontaire.

Quelques avancées

L'article 48 a le mérite d'énoncer clairement les types de contrôles aux droits et libertés, les limitant aux principes de nécessité et de proportionnalité. L'inscription de ces deux dispositions a été largement saluée par les ONG internationales, car elle permet d'encadrer juridiquement le pouvoir d'appréciation du juge. Cependant, même si elles sont conformes aux conventions internationales, les raisons de "moralité publique" pourraient faire l'objet d'une large interprétation.

La vraie nouveauté de cette Constitution est inscrite dans l'article 45 garantissant les droits acquis des femmes et énonçant le principe de parité. Cet article peut également permettre d'interpréter l'article 20 où l'égalité absolue entre les citoyens et les citoyennes n'est pas garantie "dans la loi". Les "droits acquis" apportent de même une interprétation positive à l'article 21, en faveur du droit à l'interruption volontaire de grossesse (IVG).

Des craintes subsistent

L'article 21 permet de porter atteinte au "droit sacré à la vie, dans des cas extrêmes fixés par la loi". Cette formule suscite des craintes en ce sens où l'interprétation "des cas extrêmes" sera le fait du législateur et qu'elle ne constitutionnalise pas l'abolition de la peine de mort.

Les libertés d'expression, d'opinion, de pensée, le droit à la culture, d'association ou de grève sont autant de garanties clairement énoncées par la Constitution. Les libertés d'expression et d'opinion sont cependant soumises aux limites clairement énoncées de l'article 6 se rapportant à la religion.

L'amendement de l'article 38 a été un coup dur pour le camp dit progressiste, car il constitutionnalise l'enracinement d'une identité arabo-musulmane uniforme, dès le plus jeune âge, par le biais de l'enseignement public. Une instrumentalisation d'une identité inculquée par l'Etat a suscité de vives appréhensions.

A suivre: Le récap' des articles votés de la Constitution: Les trois pouvoirs, un équilibre précaire

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