L'affaire des archives de la Présidence: c'est ainsi que certains nomment à présent l'incident qui a eu lieu vendredi 26 décembre devant le Palais de Carthage. L'Instance Vérité et Dignité (IVD), présidée par Sihem Ben Sedrine, s'est vue empêchée par des membres des syndicats de la sécurité de la Présidence, de transporter les archives de Carthage dans des camions.
Plusieurs versions des faits ont alors été exposées aux médias. D'abord celle de Sihem Ben Sedrine. Selon elle, le transfert des archives a été officiellement décidé suite à des consultations avec la Présidence. Ces consultations auraient commencé il y a six mois:
L'Instance aurait ainsi reçu toutes les autorisations nécessaires de la part de la Présidence, selon Sihem Ben Sedrine, pour récupérer les archives et sécuriser leur déplacement. Selon Adel Maïzi, membre de l'IVD, les archives devaient être déposées au local des Archives nationales de Tunisie.
La présidente de l'Instance Vérité et Dignité indique que l'institution de la présidence de la République n'était pas à l'origine du refus. Ce serait plutôt des membres du syndicat de la présidence qui auraient "transgressé la loi", en agissant sans consignes de leurs supérieurs hiérarchiques:
La Présidence confirme la version de Sihem Ben Sedrine
La Présidence de la république, a confirmé dans un communiqué, le fait que ce sont les membres du syndicat de la sécurité présidentielle qui ont pris la décision d'empêcher l'IVD de prendre les archives.
Mais la présidence n'aurait pris aucune mesure depuis la publication de ce communiqué. L’Observatoire Tunisien de l’indépendance de la magistrature (OTIM) a, en ce sens, critiqué "l’absence de tout rôle des institutions" dans cet incident.
Une autre version des faits
La version des faits de Sihem Ben Sedrine, selon laquelle les membres du syndicat auraient agi sans consignes, a été niée par Hichem Gharbi, secrétaire général du syndicat de la sécurité du président de la République et des personnalités nationales:
"Le directeur général de la sécurité présidentielle, Tawfik Gasmi, a interdit de transporter les archives (...) Nous prenons notre responsabilité historique et collective pour garder les archives jusqu'à la passation des pouvoirs", a affirmé Hichem Gharbi sur les ondes de Shems FM, vendredi 26 décembre.
D'autres interprétations de la loi
Le point de vue juridique de Mme Ben Sedrine a été contesté dans les médias. Sadok Bélaid, professeur de droit constitutionnel, intervenant sur Nessma TV, a déclaré que si l'article 40 de la loi organique sur la justice transitionnelle donne à l'Instance le droit d'accès aux archives, il ne lui donne pas le droit de les transporter.
Pour autant, l'article 40 de la loi n'interdit pas le transport des documents et donne des pouvoirs très élargis à l'Instance Vérité et Dignité.
Soutiens et reproches à Sihem Ben Sedrine
Cette affaire a provoqué plusieurs soupçons sur une instrumentalisation politique des archives de la présidence, dans une période de passation de pouvoir entre Moncef Marzouki et Béji Caid Essebsi.
Ce dernier, plusieurs fois ministre sous Habib Bourguiba, mais aussi brièvement président de la Chambre des représentants sous Ben Ali, est accusé par ses opposants d'être un produit du sérail cherchant à reproduire l'ancien régime et à protéger ses intérêts.
D'autre part, en 2013, l'utilisation de ces mêmes archives par la Présidence pour écrire "Le livre noir, le système de propagande Ben Ali" avait provoqué les mêmes interrogations sur une éventuelle instrumentalisation.
Le chercheur Vincent Geisser a évoqué des manoeuvres médiatico-politiques effectuées par des représentants de l'ancien régime contre la présidente de l'IVD, "un symbole féminin de la résistance démocratique à abattre":
En revanche, Noura Borsali, membre démissionnaire de l'IVD, affirme dans un texte publié dans le quotidien La Presse, que c'est l'évolution de la situation politique qui a conditionné les agissements de l'Instance:
"Durant les cinq mois passés à l’IVD, il n’a jamais été question, un jour, de la saisie des archives mais de l’accès à ces documents et de leur consultation sur place. Une seule réunion a eu lieu, au mois de juillet 2014, avec la Présidence sur cette question et ce jusqu’à ma démission le 10 novembre 2014. Et il n’a jamais été question, jusqu’à cette date, de saisie et de transfert des archives de la présidence qui, nous a-t-on dit, sont énormes".
"Ceci atteste d’un fait indéniable: les résultats de la présidentielle et le départ du palais du président sortant ont été déterminants dans cette précipitation", poursuit-elle.
Pour elle, il y a un flou juridique sur la saisie des archives. L'IVD s'est "décrébibilisée" en amenant "un convoi de six gros camions loués je ne sais où et à quel prix, comportant des cartons ordinaires pour n’importe quel déménagement":
"L’IVD, en opérant ainsi, aurait-elle voulu donner la preuve qu’elle est au-dessus de toutes les institutions du pays à l’instar de la Présidence, s’appuyant en cela sur cette loi sur la justice transitionnelle dont les législateurs, par malice ou par ignorance, ont laissé des failles qu’il est impératif aujourd’hui de corriger", s'interroge-elle.
L'Instance Vérité et Dignité régie selon les dispositions de la loi organique relative à l'attribution et l'organisation de la justice transitionnelle a pour mission d'identifier les responsables des violations des droits de l'Homme commises entre le 1er juillet 1955 et le 31 décembre 2013, réhabiliter les victimes et leur donner réparation.
Plusieurs versions des faits ont alors été exposées aux médias. D'abord celle de Sihem Ben Sedrine. Selon elle, le transfert des archives a été officiellement décidé suite à des consultations avec la Présidence. Ces consultations auraient commencé il y a six mois:
"Depuis juillet 2014, il y a eu des discussions et des rencontres qui se sont terminées en novembre par un document signé par le président de la République. Ce document donne le droit à l'IVD de prendre les archives", a-t-elle affirmé lors d'une émission diffusée dimanche soir sur Al Hiwar Ettounsi.
L'Instance aurait ainsi reçu toutes les autorisations nécessaires de la part de la Présidence, selon Sihem Ben Sedrine, pour récupérer les archives et sécuriser leur déplacement. Selon Adel Maïzi, membre de l'IVD, les archives devaient être déposées au local des Archives nationales de Tunisie.
La présidente de l'Instance Vérité et Dignité indique que l'institution de la présidence de la République n'était pas à l'origine du refus. Ce serait plutôt des membres du syndicat de la présidence qui auraient "transgressé la loi", en agissant sans consignes de leurs supérieurs hiérarchiques:
"Ils ont barré la route avec des voitures. Je leur ai dit: "S'il s'agit d'un putsch faites-le moi savoir, je prendrais mes affaires et je m'en irais sans discuter"", a-t-elle déclaré dans la même émission.
La Présidence confirme la version de Sihem Ben Sedrine
La Présidence de la république, a confirmé dans un communiqué, le fait que ce sont les membres du syndicat de la sécurité présidentielle qui ont pris la décision d'empêcher l'IVD de prendre les archives.
"Se conformant à la loi organique numéro 53 de l'année 2013 relative à la mise en place et à l'organisation de la justice transitionnelle, et surtout à l'article 52 de cette loi, la Présidence a exprimé son accord inconditionnel sur la décisions de l'Instance de transporter les archives depuis (...) juillet 2014", a-t-elle indiqué dans un communiqué.
Mais la présidence n'aurait pris aucune mesure depuis la publication de ce communiqué. L’Observatoire Tunisien de l’indépendance de la magistrature (OTIM) a, en ce sens, critiqué "l’absence de tout rôle des institutions" dans cet incident.
Une autre version des faits
La version des faits de Sihem Ben Sedrine, selon laquelle les membres du syndicat auraient agi sans consignes, a été niée par Hichem Gharbi, secrétaire général du syndicat de la sécurité du président de la République et des personnalités nationales:
"Le directeur général de la sécurité présidentielle, Tawfik Gasmi, a interdit de transporter les archives (...) Nous prenons notre responsabilité historique et collective pour garder les archives jusqu'à la passation des pouvoirs", a affirmé Hichem Gharbi sur les ondes de Shems FM, vendredi 26 décembre.
D'autres interprétations de la loi
Le point de vue juridique de Mme Ben Sedrine a été contesté dans les médias. Sadok Bélaid, professeur de droit constitutionnel, intervenant sur Nessma TV, a déclaré que si l'article 40 de la loi organique sur la justice transitionnelle donne à l'Instance le droit d'accès aux archives, il ne lui donne pas le droit de les transporter.
Pour autant, l'article 40 de la loi n'interdit pas le transport des documents et donne des pouvoirs très élargis à l'Instance Vérité et Dignité.
Article 40:
Pour s’acquitter de sa mission, l'Instance est dotée des attributions suivantes :
- Accéder aux archives publiques et privées, abstraction faite de toutes les interdictions prévues par la législation en vigueur (...)
- Demander aux pouvoirs administratif et judiciaire, de même qu’aux instances publiques et à toute personne physique ou morale, de lui fournir les documents ou informations qu'ils peuvent avoir en leur possession. (...)
- Procéder à des saisines dans les lieus publics et privés, ainsi que des perquisitions et saisies de documents, de valeurs mobilières et d'instruments usagés pouvant avoir un lien avec les infractions instruites par l'Instance, à fin d’établir les procès verbaux. L’Instance a pour cela les mêmes prérogatives que celles de la police judiciaire, sans préjudice des procédures judiciaires nécessaires. (...)
- Recourir à toute mesure ou tout instrument pouvant l'aider à dévoiler la vérité.
Soutiens et reproches à Sihem Ben Sedrine
Cette affaire a provoqué plusieurs soupçons sur une instrumentalisation politique des archives de la présidence, dans une période de passation de pouvoir entre Moncef Marzouki et Béji Caid Essebsi.
Ce dernier, plusieurs fois ministre sous Habib Bourguiba, mais aussi brièvement président de la Chambre des représentants sous Ben Ali, est accusé par ses opposants d'être un produit du sérail cherchant à reproduire l'ancien régime et à protéger ses intérêts.
D'autre part, en 2013, l'utilisation de ces mêmes archives par la Présidence pour écrire "Le livre noir, le système de propagande Ben Ali" avait provoqué les mêmes interrogations sur une éventuelle instrumentalisation.
Le chercheur Vincent Geisser a évoqué des manoeuvres médiatico-politiques effectuées par des représentants de l'ancien régime contre la présidente de l'IVD, "un symbole féminin de la résistance démocratique à abattre":
"Les auteurs de cette campagne calomnieuse ont le sentiment qu’en se débarrassant de Sihem Ben Sedrine, ils feront d’une pierre deux coups: affaiblir l’Instance Vérité et Dignité en faisant élire une direction accommodante, et surtout effacer les preuves matérielles de leur culpabilité dans l’appareil répressif de l’ancien régime".
En revanche, Noura Borsali, membre démissionnaire de l'IVD, affirme dans un texte publié dans le quotidien La Presse, que c'est l'évolution de la situation politique qui a conditionné les agissements de l'Instance:
"Durant les cinq mois passés à l’IVD, il n’a jamais été question, un jour, de la saisie des archives mais de l’accès à ces documents et de leur consultation sur place. Une seule réunion a eu lieu, au mois de juillet 2014, avec la Présidence sur cette question et ce jusqu’à ma démission le 10 novembre 2014. Et il n’a jamais été question, jusqu’à cette date, de saisie et de transfert des archives de la présidence qui, nous a-t-on dit, sont énormes".
"Ceci atteste d’un fait indéniable: les résultats de la présidentielle et le départ du palais du président sortant ont été déterminants dans cette précipitation", poursuit-elle.
Pour elle, il y a un flou juridique sur la saisie des archives. L'IVD s'est "décrébibilisée" en amenant "un convoi de six gros camions loués je ne sais où et à quel prix, comportant des cartons ordinaires pour n’importe quel déménagement":
"L’IVD, en opérant ainsi, aurait-elle voulu donner la preuve qu’elle est au-dessus de toutes les institutions du pays à l’instar de la Présidence, s’appuyant en cela sur cette loi sur la justice transitionnelle dont les législateurs, par malice ou par ignorance, ont laissé des failles qu’il est impératif aujourd’hui de corriger", s'interroge-elle.
L'Instance Vérité et Dignité régie selon les dispositions de la loi organique relative à l'attribution et l'organisation de la justice transitionnelle a pour mission d'identifier les responsables des violations des droits de l'Homme commises entre le 1er juillet 1955 et le 31 décembre 2013, réhabiliter les victimes et leur donner réparation.
LIRE AUSSI: L'IVD empêchée de transporter les archives de la Présidence: L'OTIM appelle les autorités à intervenir
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