L'un est le président de la République sortant, l'autre a été Premier ministre de la période de transition. Que ce soit à la tête de l'Etat ou en tant que candidats aux élections, le moins que l'on puisse dire est que Moncef Marzouki et Beji Caïd Essebsi ne laissent pas indifférents. Sur les femmes, les policiers, les journalistes ou les terroristes, les deux candidats qualifiés pour le second tour de la présidentielle ont suscité de nombreuses réactions depuis la révolution en 2011. Le HuffPost Tunisie a fait une sélection des déclarations les plus polémiques de chaque candidat..
Moncef Marzouki et les safirates
Dès son discours d'investiture à l'Assemblée nationale constituante (ANC) en décembre 2011, Moncef Marzouki a abordé un sujet qui déchainait les passions: le voile. Enumérant les différentes tâches qui attendaient le gouvernement de l'époque, il déclarait:
"Nous sommes appelés à protéger les femmes portant le Niqab, les femmes en hijab et les 'safirate'".
C'est le dernier terme en arabe 'safirate', littéralement "dévoilées" qui va poser problème.
Dans les médias et les réseaux sociaux, Marzouki sera très critiqué pour ce qui était considéré comme une "stigmatisation" des non voilées et une catégorisation des femmes selon leur manière de s'habiller.
Un éditorial du Courrier de l'Atlas lui a reproché d'utiliser un terme devenu dans la pratique "synonyme de femmes impudiques, mal élevées, ou encore celles qui ne se conforment pas aux principes religieux".
Mais Moncef Marzouki se défendra après coup en affirmant que "safirate" signifiait en arabe "les femmes qui ne portent pas le voile".
Béji Caïd Essebsi s'attaque à Mehrezia Labidi
En octobre 2014, Caïd Essebsi, candidat à l'élection présidentielle, participe à une émission sur la télévision publique. L'animateur a tenté de le faire réagir sur une déclaration de Meherzia Labidi concernant la question de l'organisation Ansar Al Charia, classée terroriste depuis l'assassinat de Mohamed Brahmi en 2013:
"Le gouvernement d'Essebsi a été complaisant avec Ansar Al Charia tandis que celui de Larayedh y a mis un terme", avait déclaré la vice-présidente de l'Assemblée constituante.
En réponse à cette déclaration, Caïd Essebsi use d'un argument surprenant. "Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? C'est une femme", s'était-il exclamé.
Ces déclarations ont été qualifiées de misogynes, y compris par des sympathisants de Nida Tounes, et les réactions ont été nombreuses.
Mais Béji Caïd Essebsi assure que ses propos n'ont pas été compris et constituaient au contraire une marque de "respect" envers les femmes.
"Ce n'est ni un lapsus ni rien. Personne ne peut douter du fait que je considère que la femme tunisienne a permis la réussite du processus démocratique", s'était-il justifié sur les ondes d'Express FM.
Marzouki et les médias, une guerre sans fin
En octobre 2014, Marzouki est devenu candidat à sa propre succession. Dès le début de la campagne, on pouvait le voir haranguer un parterre de militants, en fustigeant les figures de l'ancien régime qui le concurrencent et ce qu'il considère comme étant "leurs" médias.
Le syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) était alors monté au créneau. Dans un communiqué, il a appelé le candidat à s'excuser pour ses déclarations hostiles.
Béji Caïd Essebsi "humilie" des journalistes
Juillet 2011, Béji Caïd Essebsi alors premier ministre du gouvernement transitoire tunisien, est interrogé par une journaliste de la télévision publique tunisienne. Celle-ci l'aborde après une séance de la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution.
Quand elle lui fait remarquer que cette séance s'était transformée en une séance de questions au gouvernement, il lui demande: "Quel âge avez-vous? Dites-moi ma chère fille, quel âge avez-vous?".
Devant l'insistance de la journaliste pour avoir une réponse, il assure gravement qu'il ne répondra pas à ses questions, avant d'éloigner le micro qu'elle lui tend. "Vous, vous ne savez pas ce qu'est l'information, vous avez quelque chose dans la tête", avait-il lancé à la journaliste.
La télévision publique s'était alors indignée. Néji Bghouri, à l'époque membre de l'Instance nationale pour la réforme des médias et de la communication, avait dénoncé une "humiliation":
"Ce n'est pas la première fois que le Premier ministre humilie des journalistes (...) alors que le gouvernement devrait être la première partie à accepter à collaborer avec une presse libre", avait-il déclaré.
Les "taghout" sont les figures de l'ancien régime, selon Marzouki
Toujours pendant sa campagne électorale, Moncef Marzouki évoque dans un meeting le problème du terrorisme. Pour lui, les terroristes sont "idiots" de tuer des membres des forces de l'ordre:
"Ce sont des fils de pauvres qui tuent des fils de pauvres en prétextant que ce sont des 'taghout' (tyrans). Les seuls 'taghout' sont ceux de l'ancien régime" a-t-il déclaré.
Le mot "taghout" est principalement employé en Tunisie par les extrémistes religieux pour désigner les représentants de l'autorité publique qu'ils accusent de combattre l'Islam.
L'usage de ce terme a été perçu comme une incitation à la haine. Saïd Aïdi, député de Nida Tounes a écrit sur son compte Facebook que l'emploi de ce mot par Marzouki "est une violation de la morale, de l'honneur politique et des droits de l'Homme". "Les autorités compétentes doivent assumer leurs responsabilités", a-t-il déclaré.
Devant l'ampleur de la polémique, Marzouki a tenté de se justifier, indiquant que "le mot 'Taghout' n'est pas seulement utilisé par les terroristes, mais qu'il désigne également les despotes.
L'électorat "terroriste" de Marzouki, selon Béji Caïd Essebsi
Au lendemain du premier tour de l'élection présidentielle, le 23 novembre, Béji Caïd Essebsi a déclaré sur les ondes de Radio Monte Carlo (RMC) que l'électorat de son concurrent était principalement composé d'islamistes et d'extrémistes.
"Il faut savoir que ceux qui ont voté pour Monsieur Marzouki sont les islamistes. Ce sont eux qui se sont arrangés pour être avec lui... c'est-à-dire les cadres d'Ennahdha, c'est-à-dire le parti qui est encore plus extrémiste qu'(Ennahdha). Nous avons aussi avec lui des salafistes jihadistes et (...) les 'ligues de défense de la révolution' [Ligues de protection de la révolution, LPR] qui sont tous des 'partis' violents", a-t-il affirmé.
En réaction à ces propos, une manifestation a eu lieu à Médenine le 27 novembre.
D'autre part, une campagne a été lancée sur les réseaux sociaux par les partisans de Marzouki, intitulée: "Je suis un démocrate et non un terroriste".
Quand Marzouki laisse Jabeur Mejri en prison pour sa sécurité
En septembre 2013, en visite aux Etats-Unis, Marzouki était l'invité du Council on Foreign Relations.
Le Président sortant était alors interrogé sur le cas de Jabeur Mejri, condamné à 7 ans et demi de prison pour avoir diffusé des caricatures jugées blasphématoires. Il avait indiqué que Mejri était emprisonné pour sa propre sécurité:
"C'est triste de condamner un jeune à sept ans de prison pour un dessin. Mais nous avons également une société très conservatrice et j'attends le bon moment, politiquement parlant, pour le relâcher. Le faire tout de suite pourrait être dangereux pour lui... J'ai juste décidé d'attendre quelques mois, avant... hop! Il sera relâché, n'ayez pas peur".
Le refus de gracier Jabeur Mejri, pour des raisons de sécurité avait suscité l'indignation de nombreux internautes jugeant qu'il s'agissait d'une dérive liberticide.
Des policiers comparés à des "singes", par Caïd Essebsi
En septembre 2011, le pays vit des turbulences sécuritaires ponctués par des sit-in de membres des forces de sécurité. Le Premier ministre veut mettre fin à des perturbations qui "menacent l'existence de l'Etat". Dans une allocution télévisée, il traite une frange récalcitrante des forces de l'ordre de "singes":
"Je lance un appel à la garde nationale et aux forces de sécurité que je connais bien. Il y a des gens intègres. Je sais que 97% d'entre eux sont de bonnes personnes et qu'il y a trois ou quatre singes qui gâchent le processus", avait-il lancé.
Des membres des forces de l'ordre protesteront contre cette déclaration à Tunis et demanderont au premier ministre de s'excuser de les avoir traités de "singes".
Les deux candidats qualifiés pour le second tour de la présidentielle ne cachent pas leur animosité l'un envers l'autre. Pour Moncef Marzouki, l'ancien Premier ministre symbolise le retour de l'ancien régime et de ses méthodes dictatoriales. Béji Caïd Essebsi reproche quant à lui au Président sortant sa mauvaise gouvernance au sein de la troïka, son alliance avec les islamistes et son accointance avec des extrémistes religieux.
L'Instance électorale n'a toujours pas fixé la date du second tour de l'élection présidentielle qui devrait avoir lieu fin décembre.
Un problème avec les femmes?
Moncef Marzouki et les safirates
Dès son discours d'investiture à l'Assemblée nationale constituante (ANC) en décembre 2011, Moncef Marzouki a abordé un sujet qui déchainait les passions: le voile. Enumérant les différentes tâches qui attendaient le gouvernement de l'époque, il déclarait:
"Nous sommes appelés à protéger les femmes portant le Niqab, les femmes en hijab et les 'safirate'".
C'est le dernier terme en arabe 'safirate', littéralement "dévoilées" qui va poser problème.
Dans les médias et les réseaux sociaux, Marzouki sera très critiqué pour ce qui était considéré comme une "stigmatisation" des non voilées et une catégorisation des femmes selon leur manière de s'habiller.
Un éditorial du Courrier de l'Atlas lui a reproché d'utiliser un terme devenu dans la pratique "synonyme de femmes impudiques, mal élevées, ou encore celles qui ne se conforment pas aux principes religieux".
Mais Moncef Marzouki se défendra après coup en affirmant que "safirate" signifiait en arabe "les femmes qui ne portent pas le voile".
Béji Caïd Essebsi s'attaque à Mehrezia Labidi
En octobre 2014, Caïd Essebsi, candidat à l'élection présidentielle, participe à une émission sur la télévision publique. L'animateur a tenté de le faire réagir sur une déclaration de Meherzia Labidi concernant la question de l'organisation Ansar Al Charia, classée terroriste depuis l'assassinat de Mohamed Brahmi en 2013:
"Le gouvernement d'Essebsi a été complaisant avec Ansar Al Charia tandis que celui de Larayedh y a mis un terme", avait déclaré la vice-présidente de l'Assemblée constituante.
En réponse à cette déclaration, Caïd Essebsi use d'un argument surprenant. "Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? C'est une femme", s'était-il exclamé.
Ces déclarations ont été qualifiées de misogynes, y compris par des sympathisants de Nida Tounes, et les réactions ont été nombreuses.
Mais Béji Caïd Essebsi assure que ses propos n'ont pas été compris et constituaient au contraire une marque de "respect" envers les femmes.
"Ce n'est ni un lapsus ni rien. Personne ne peut douter du fait que je considère que la femme tunisienne a permis la réussite du processus démocratique", s'était-il justifié sur les ondes d'Express FM.
Médias et politique ne font pas toujours bon ménage
Marzouki et les médias, une guerre sans fin
En octobre 2014, Marzouki est devenu candidat à sa propre succession. Dès le début de la campagne, on pouvait le voir haranguer un parterre de militants, en fustigeant les figures de l'ancien régime qui le concurrencent et ce qu'il considère comme étant "leurs" médias.
"Cela fait 20 ans que je vois des gens se faire humilier par des juges d'instruction corrompus. Trente ans que je supporte leurs télés corrompues et jusqu'à maintenant je les supporte", y affirmait-il.
Le syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) était alors monté au créneau. Dans un communiqué, il a appelé le candidat à s'excuser pour ses déclarations hostiles.
Béji Caïd Essebsi "humilie" des journalistes
Juillet 2011, Béji Caïd Essebsi alors premier ministre du gouvernement transitoire tunisien, est interrogé par une journaliste de la télévision publique tunisienne. Celle-ci l'aborde après une séance de la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution.
Quand elle lui fait remarquer que cette séance s'était transformée en une séance de questions au gouvernement, il lui demande: "Quel âge avez-vous? Dites-moi ma chère fille, quel âge avez-vous?".
Devant l'insistance de la journaliste pour avoir une réponse, il assure gravement qu'il ne répondra pas à ses questions, avant d'éloigner le micro qu'elle lui tend. "Vous, vous ne savez pas ce qu'est l'information, vous avez quelque chose dans la tête", avait-il lancé à la journaliste.
La télévision publique s'était alors indignée. Néji Bghouri, à l'époque membre de l'Instance nationale pour la réforme des médias et de la communication, avait dénoncé une "humiliation":
"Ce n'est pas la première fois que le Premier ministre humilie des journalistes (...) alors que le gouvernement devrait être la première partie à accepter à collaborer avec une presse libre", avait-il déclaré.
Les tyrans et les terroristes
Les "taghout" sont les figures de l'ancien régime, selon Marzouki
Toujours pendant sa campagne électorale, Moncef Marzouki évoque dans un meeting le problème du terrorisme. Pour lui, les terroristes sont "idiots" de tuer des membres des forces de l'ordre:
"Ce sont des fils de pauvres qui tuent des fils de pauvres en prétextant que ce sont des 'taghout' (tyrans). Les seuls 'taghout' sont ceux de l'ancien régime" a-t-il déclaré.
Le mot "taghout" est principalement employé en Tunisie par les extrémistes religieux pour désigner les représentants de l'autorité publique qu'ils accusent de combattre l'Islam.
L'usage de ce terme a été perçu comme une incitation à la haine. Saïd Aïdi, député de Nida Tounes a écrit sur son compte Facebook que l'emploi de ce mot par Marzouki "est une violation de la morale, de l'honneur politique et des droits de l'Homme". "Les autorités compétentes doivent assumer leurs responsabilités", a-t-il déclaré.
Devant l'ampleur de la polémique, Marzouki a tenté de se justifier, indiquant que "le mot 'Taghout' n'est pas seulement utilisé par les terroristes, mais qu'il désigne également les despotes.
L'électorat "terroriste" de Marzouki, selon Béji Caïd Essebsi
Au lendemain du premier tour de l'élection présidentielle, le 23 novembre, Béji Caïd Essebsi a déclaré sur les ondes de Radio Monte Carlo (RMC) que l'électorat de son concurrent était principalement composé d'islamistes et d'extrémistes.
"Il faut savoir que ceux qui ont voté pour Monsieur Marzouki sont les islamistes. Ce sont eux qui se sont arrangés pour être avec lui... c'est-à-dire les cadres d'Ennahdha, c'est-à-dire le parti qui est encore plus extrémiste qu'(Ennahdha). Nous avons aussi avec lui des salafistes jihadistes et (...) les 'ligues de défense de la révolution' [Ligues de protection de la révolution, LPR] qui sont tous des 'partis' violents", a-t-il affirmé.
En réaction à ces propos, une manifestation a eu lieu à Médenine le 27 novembre.
D'autre part, une campagne a été lancée sur les réseaux sociaux par les partisans de Marzouki, intitulée: "Je suis un démocrate et non un terroriste".
La "raison" sécuritaire
Quand Marzouki laisse Jabeur Mejri en prison pour sa sécurité
En septembre 2013, en visite aux Etats-Unis, Marzouki était l'invité du Council on Foreign Relations.
Le Président sortant était alors interrogé sur le cas de Jabeur Mejri, condamné à 7 ans et demi de prison pour avoir diffusé des caricatures jugées blasphématoires. Il avait indiqué que Mejri était emprisonné pour sa propre sécurité:
"C'est triste de condamner un jeune à sept ans de prison pour un dessin. Mais nous avons également une société très conservatrice et j'attends le bon moment, politiquement parlant, pour le relâcher. Le faire tout de suite pourrait être dangereux pour lui... J'ai juste décidé d'attendre quelques mois, avant... hop! Il sera relâché, n'ayez pas peur".
Le refus de gracier Jabeur Mejri, pour des raisons de sécurité avait suscité l'indignation de nombreux internautes jugeant qu'il s'agissait d'une dérive liberticide.
#ZABA n'a pas osé, #Marzouki l'a fait MT @MoezBaz: "Si #Jabeur Mejri n'a pas été gracié c car je crains pour sa sécurité". Moncef Marzouki
— Meryem Marzouki (@meryemmarzouki) 25 Septembre 2013
Des policiers comparés à des "singes", par Caïd Essebsi
En septembre 2011, le pays vit des turbulences sécuritaires ponctués par des sit-in de membres des forces de sécurité. Le Premier ministre veut mettre fin à des perturbations qui "menacent l'existence de l'Etat". Dans une allocution télévisée, il traite une frange récalcitrante des forces de l'ordre de "singes":
"Je lance un appel à la garde nationale et aux forces de sécurité que je connais bien. Il y a des gens intègres. Je sais que 97% d'entre eux sont de bonnes personnes et qu'il y a trois ou quatre singes qui gâchent le processus", avait-il lancé.
Des membres des forces de l'ordre protesteront contre cette déclaration à Tunis et demanderont au premier ministre de s'excuser de les avoir traités de "singes".
Les deux candidats qualifiés pour le second tour de la présidentielle ne cachent pas leur animosité l'un envers l'autre. Pour Moncef Marzouki, l'ancien Premier ministre symbolise le retour de l'ancien régime et de ses méthodes dictatoriales. Béji Caïd Essebsi reproche quant à lui au Président sortant sa mauvaise gouvernance au sein de la troïka, son alliance avec les islamistes et son accointance avec des extrémistes religieux.
L'Instance électorale n'a toujours pas fixé la date du second tour de l'élection présidentielle qui devrait avoir lieu fin décembre.
LIRE AUSSI: Tunisie: Moncef Marzouki vs. Béji Caïd Essebsi: La bataille du second tour a déjà commencé
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