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Tunisie - Interview du ministre des Finances Hakim Ben Hammouda, à l'heure du bilan

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Plusieurs mois après la crise politique déclenchée par l'assassinat de Mohamed Brahmi, le Premier ministre Ali Larayedh démissionne pour laisser place à un "gouvernement de technocrates", issu du Dialogue national et mené par Mehdi Jomâa. Hakim Ben Hammouda est alors nommé à la tête du ministère de l'Economie et des Finances, un portefeuille sensible en période de crise économique.

Dès ses premières apparitions médiatiques, le chef du gouvernement établit ses priorités: Economie, sécurité, organisation des élections.

A la veille de l'élection présidentielle et à quelques semaines (voire quelques jours) de la passation de pouvoir, Hakim Ben Hammouda livre son bilan au HuffPost Tunisie. Si l'année et les années suivantes seront difficiles, le ministre des Finances assure que le train a été mis sur les rails et que les prochains gouvernement "apprécieront".

HuffPost Tunisie: La fin de l’année approche. Quel est votre bilan pour 2014?

Hakim Ben Hammouda: On s’était fixé quatre objectifs. On s’est tout de suite rendu compte de l’état critique des finances publiques. Premier objectif: la stabiliser. Deuxième objectif: la croissance et l’investissement. Puis, les réformer. Et finalement la dimension sociale de cette politique économique.

Je pense qu’il y a eu des progrès. On a remis le train de l’économie tunisienne sur la voie. Les finances publiques sont aujourd’hui mieux maîtrisées. Si la tendance de 2013 s’était poursuivie, le déficit serait à plus de 9%. Il est de moins de 6%, et il passera sous les 5% en 2015.

Il y a maintenant un important travail à faire en matière de relance de la croissance pour les trois prochaines années.

On a revu à la baisse les estimations de croissance faites en 2013 (4%) . Nous estimons aujourd’hui la croissance à 2,8% pour 2014 et je pense qu’on sera même à 2,5% ou 2,6%.

La Banque mondiale a avancé le chiffre de 2, 3%...

Nous étions les premiers à rabaisser nos chiffres. On estimait que les 4% n’étaient pas réalistes, surtout après une année de crise politique importante et un quais-arrêt de l’économie après les assassinats et les mobilisations politiques.

Et en 2015?

3%.

De quelle croissance a besoin la Tunisie pour l’assainissement budgétaire?

La Tunisie a besoin d’une croissance forte. Avant la révolution, on estimait un besoin de 5% pour absorber les nouveaux diplômés. Aujourd’hui, nous avons besoin d’une croissance beaucoup plus forte du fait du nombre élevé de chômeurs.

Et quelle est la recette?

Nous avons donné des incitations pour l’investissement, nous voulions faire une politique non-conformiste. En général, les gouvernements imposent une politique d’austérité. Nous avons voulu faire une politique de rationalisation des dépenses publiques tout en investissant dans la croissance.

Le FMI a pourtant affirmé que la feuille de route tunisienne était “conforme” à ses recommandations…

Nous avons défini notre politique économique nous-mêmes, pour répondre au défi de la stabilisation. J’estime que lorsqu’on perd les grands équilibres macroéconomiques, on y perd aussi son indépendance en termes de politique économique. Si le déficit devient trop important, on perd le pouvoir de décision en termes d‘investissement. Je reste convaincu que nous n’avons pas fait le choix de l’austérité, qui ne fait que renforcer le déséquilibre des économies.

Le contexte est très difficile. Les années électorales ne sont pas des années de prise de risques par les investisseurs, encore moins dans les pays en transition. Ce sont des années d’attentisme. Dans le contexte international, notre principal partenaire commercial, l’Europe, est la région qui croît le moins vite au monde.

Vous parlez d’attirer les investisseurs. Les incitations fiscales sont parfois mises à profit par les investisseurs au désavantage des travailleurs tunisiens. Comment trouver l’équilibre?

L’élément fiscal n’est qu’un des éléments. Tout un environnement – transparence, justice – y sont au cœur. Il ne faut pas non plus exagérer le poids des incitations fiscales.

Deux mois après la conférence Investir en Tunisie, sait-on quels projets verront le jour?

Cette conférence a été un vrai moment de confiance dans l’économie tunisienne. Plusieurs institutions se sont intéressées aux propositions, notamment la BERD (Banque Européenne de Reconstruction et de Développement), qui est intéressée par 6 ou 7 projets. Il y a un intérêt de la part d’un grand nombre de bailleurs et d’entreprises pour une série de projet.

Les projets ont-ils une réelle chance de réalisation?

Bien sûr. Il y a un vrai travail de suivi par le gouvernement. Tous les ministères suivent les projets qui sont sous leur responsabilité.

Sur l’ensemble des projets, il y a des progrès importants. Nous nous apprêtons à faire le point. Financer un projet n’est pas une affaire d’un ou deux mois. Un certain nombre d’investisseurs ont exprimé leur intention de soutenir des projets. Une partie du financement vient aussi des finances publiques.

Y a-t-il des avancées sur le gaz de schiste?

Je ne sais pas exactement où en est [le ministre de l’Industrie, de l’Energie et des Mines] Kamel Ben Nasr aujourd’hui. Nous voulons d’abord voir si le territoire abrite des gisements ou non. Le défi énergétique est crucial pour nous. En termes d’importations, de subventions, l’énergie pèse le plus lourd. Il faut d’abord investir pour accroître la production. En termes d’économie d’énergie, on a commencé à mettre en place un programme de lampes économiques. Finalement, on travaille également sur la diversification des sources d’énergies, notamment solaire. L’énergie est un vrai défi pour l’avenir de la Tunisie.

L’avenir, justement. Trouvez-vous les programmes économiques des partis crédibles?

L’élément essentiel, c’est le dialogue économique national. Il fallait mettre à disposition de tous les partis des détails sur la situation économique du pays. Je pense que les débats ont été essentiels pour que les partis prennent en compte la complexité et les difficultés économiques de la Tunisie. On a retrouvé cette prise de conscience chez de nombreux partis. On l’a répété: l’année 2014 a été difficile, les prochaines années le seront aussi.

Certains partis affirment que par-delà le programme économique, il faut surtout avoir les moyens de le mettre en œuvre, notamment grâce à la qualité des personnalités politiques. L’économie, c’est si politique que ça?

Bien sûr. Le bon déroulement des élections est un élément essentiel dans la prise de risque économique. Aujourd’hui, les agences de notation prennent en compte des critères politiques et sociaux.

Voyez-vous une personnalité politique particulièrement à même de diriger l’économie du pays dans la bonne direction?

Je pense que la fin de cette transition politique dans d’excellentes conditions est essentielle pour l’avenir du pays, essentielle pour attirer les investisseurs.

Les fractures entre partis ne s’articulent pas beaucoup autour d’orientation économiques. C’est dommage?

Nous avons voulu expliquer les défis. Il y a donc eu une prise de conscience. C’est ce qui permettra d’assurer une continuité.

Mais ce n’est pas parce que tout le monde est conscient des enjeux que tout le monde doit proposer d’apporter les mêmes solutions…

Le prochain gouvernement apportera sa réponse à cette question. Nous cherché à répondre aux défis que nous avons trouvé. Les autres gouvernements apprécieront ce qui a été fait.

Comment savoir si le prochain gouvernement continuera à porter vos réformes?

Sur un certain nombre de choses, il y a un véritable consensus. Le système bancaire, par exemple. On connait tous la fragilité des banques publiques, qui ont pris un certain nombre de risques, notamment en absorbant les banques d’investissement. Les trois banques publiques se retrouvent dans une situation financière difficile. Il y a un consensus pour leur donner les moyens financiers à même de leur rendre leur dynamisme d’antan.

A travers une recapitalisation?

A travers une restructuration, dont la recapitalisation est un élément. Il faut repositionner les banques en revoyant leur gouvernance, leur stratégie commerciale. Nous avons élaboré un plan de trois ans, les conseils d’administration les finalisent actuellement.

Et la réforme fiscale?

C’est un autre élément de consensus. Le système fiscal n’est pas équitable, l’administration est tatillonne et lourde. C’est une priorité depuis des années. Nous avons accéléré la réforme, mais l’exécution doit se poursuivre sur les trois prochaines années. Il y a un véritable consensus.

Aux assises de la fiscalité, on a parlé de traitements de faveur à éliminer. Qui est-ce qui en bénéficie en ce moment?

L’essentiel des recettes fiscales vient des salariés et des entreprises en règles. Il faut rééquilibrer le système, élargir la recette fiscale à ceux qui sont restés en dehors.

Qui sont ces gens?

Beaucoup de gens ne paient pas leurs impôts, le problème de l’évasion fiscale est connu en Tunisie. Nous essayons notamment, à travers des mesures de la loi de finances complémentaires, de limiter les régimes forfaitaires, de limiter les évasions fiscales, notamment pour ceux qui exerce sur les marchés parallèles.

Est-ce vrai qu’un café de l’avenue Bourguiba paie 60 dinars par an en régime forfaitaire?

Non. C’était le cas, mais ils sont passés au régime réel, et la tendance est vers une limitation encore plus forte de ceux qui bénéficient du régime forfaitaire. Le régime forfaitaire a été fait pour des activités de proximité, le petit épicier du coin qui n’avait pas les moyens de tenir une comptabilité, etc. Cette exception s’est malheureusement étendue progressivement. En excluant cette année plusieurs secteurs d’activités, nous ramenons le régime forfaitaire à sa fonction originelle.

L’administration est-elle actuellement capable d’assurer un contrôle fiscal généralisé?

Aucune administration au monde n’a ces capacités. Nous essayons de moderniser nos procédures de manière à dégager plus de fonctionnaires pour s’occuper de cette tâche.

Qu’en est-il des biens confisqués du clan Ben Ali?

Ce sont des situations juridiques très compliquées. Nous essayons, dans la mesure du possible quand les situations sont clarifiées, de céder ces biens. Nous espérons que le montant des cessions sera entre 100 et 200 millions de dinars pour l’année 2014, et nous avons fixé un montant de 300 millions de dinars pour 2015.

La Tunisie se verra-t-elle obligée de contracter de nouveau prêts dans les prochaines années?

Il y a une baisse des recettes propres en Tunisie. L’endettement n’est pas un mal en soi. Il faut que l’endettement aille plutôt dans l’investissement. Ce qui est important pour les finances publiques, c’est que les ressources propres augmentent pour atteindre au moins le seuil de 85%.

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