Ils ont fait couler beaucoup d’encre. Cadres des anciens régimes sous Habib Bourguiba ou Zine el Abidine Ben Ali, ils sont aujourd’hui candidats à l’élection présidentielle tunisienne. Pour "leur dernière bataille", a prédit le Président sortant Moncef Marzouki mercredi.
Ratissant des électorats voisins pendant leurs campagnes, Kamel Morjane et Mondher Zenaïdi ont communiqué différemment sur leur passé.
Ils se sont tous les deux beaucoup déplacés. Kamel Morjane, ancien ministre aujourd’hui leader du parti Al Moubadara, affirme avoir parcouru "des dizaines de kilomètres à pieds". Mondher Zenaïdi, "le pompier de Ben Ali", aurait parcouru "le plus de kilomètres de tous les candidats", rétorque un proche.
Préférant tous les deux une campagne de proximité, ils ont en revanche opté pour des stratégies de communication opposées. Là où Kamel Morjane a nuancé son rôle sous Ben Ali, Mondher Zenaïdi a préféré le présenter en atout.
"Pas de 'dégage'" pour Morjane
Teyssir Ksouri fait partie de l’équipe de communication de Kamel Morjane. Le candidat vient de terminer une série de visites de terrain, vendredi 21 novembre, entre Mahdia et Monastir, fief régional du natif de Hammam Sousse. "Il est le seul candidat de l’ancien régime à ne pas entendre de ‘Degage’ lors de ses déplacements", affirme Ksouri fièrement.
Pour contrer les polémiques autour du passé de son candidat, le communicant a "insisté sur sa carrière" dans les organisations internationales et sur le fait qu’il ait "demandé pardon très tôt [en avril 2011]".
La veille, Morjane affirmait sur Mosaïque FM ne pas avoir été un leader du RCD, parti de Ben Ali. "Son inscription au parti en 2008 était forcée de par son poste ministériel", insiste Ksouri. Morjane avait par la suite intégré le bureau politique en 2010.
L’ancien ministre de la Défense et des Affaires étrangères se repose à la terrasse d’un grand hôtel de Monastir avant son meeting de clôture. Il dit avoir été "très bien accueilli partout", mais avoue tout de même avoir dû faire face à quelques "questions gênantes", celles "sur le passé". Que répond-il à ces questions ? Que ses ministères n’avaient "rien à voir" avec les tares de l’ancien régime.
A en croire ses collaborateurs, il faut connaître Morjane pour l’aimer. Ses deux conseillers de campagnes se disent "fervent opposant à Ben Ali" et "homme de gauche". Mais il les a "persuadés".
Morjane souligne toutefois ses difficultés à convaincre le peuple tunisien: "Ils ne peuvent pas faire la distinction entre les uns et les autres [de l’ancien régime]".
Le "pompier" a joué au foot
Pour son dernier jour de campagne, Mondher Zenaïdi est quant à lui allé rendre hommage au "sport par excellence" - "et à tous les sports", ajoute-t-il. Aux Berges du Lac vendredi, il a "marqué trois buts" lors d’un match de football avec d’anciens joueurs tunisiens.
"C’est unique comme clôture", s’enthousiasme un ami, qui loue "le bâtisseur, le technicien". Zenaïdi a axé sa campagne sur "son expérience" d’homme d’Etat.
Tour à tour ministre du Commerce, du Tourisme, du Transport et de la Santé sous Ben Ali, Zenaïdi a aujourd’hui affirmé avoir eu un "excellent feedback" de la population lors de ses déplacements. "Je suis l’enfant de l’Etat tunisien", dit-t-il. "J’ai été associé à l’Etat tunisien dans toutes les réalisations qui ont été les siennes".
Zenaïdi a été "le pompier de Ben Ali", rappelle Ghazi Ben Ahmed, directeur exécutif de l’Initiative méditerranéenne pour le développement, qui milite contre l’exclusion politique des membres de l’ancien régime. "Il a fait des miracles".
Si le candidat admet aujourd’hui quelques "aspects négatifs" lors des années Ben Ali, il affirme également devoir "assumer son passé".
Tout le monde veut du Bourguiba
A l’instar de Béji Caïd Essebssi, ils se référent cependant tous deux à Bourguiba. Bourguibiste affirmé, Kamel Morjane est allé jusqu’à imprimer le visage du président de l’indépendance sur ses affiches. Mondher Zenaïdi rappelle quant à lui volontiers ses débuts politiques sous Bourguiba.
"Ils exploitent un récit tronqué du passé qui correspond à une vision dominante aujourd’hui", observe Jérôme Heurtaux, chercheur à l’Institut de Recherche sur le Maghreb Contemporain (IRMC). On oublierait, dit-il, autant la répression sous Bourguiba que les espoirs suscités par les débuts de Ben Ali en 1987. "La référence à la figure mythifiée et lissée de Bourguiba est, semble-t-il, un vrai discours rassembleur".
Tête de liste Nida Tounes élu au Kef, Abada Kéfi expliquait avant les élections législatives: "Béji [Caïd Essebssi], c’est Bourguiba, c’est pour ça que les gens l’aiment". Béji Caïd Essebssi s’est positionné comme l’héritier de Bourguiba. S’il a également été président de l’Assemblée pendant un an sous Ben Ali, cet aspect de son parcours a été peu mis en lumière par son équipe de campagne.
En amont de l’élection présidentielle, le passé tunisien a été tourné et retourné. Bourguiba semble toujours fonctionner comme une recette magique. Le "dictateur éclairé" ne semble pas encore en être à sa "dernière bataille".
Ratissant des électorats voisins pendant leurs campagnes, Kamel Morjane et Mondher Zenaïdi ont communiqué différemment sur leur passé.
Ils se sont tous les deux beaucoup déplacés. Kamel Morjane, ancien ministre aujourd’hui leader du parti Al Moubadara, affirme avoir parcouru "des dizaines de kilomètres à pieds". Mondher Zenaïdi, "le pompier de Ben Ali", aurait parcouru "le plus de kilomètres de tous les candidats", rétorque un proche.
Préférant tous les deux une campagne de proximité, ils ont en revanche opté pour des stratégies de communication opposées. Là où Kamel Morjane a nuancé son rôle sous Ben Ali, Mondher Zenaïdi a préféré le présenter en atout.
"Pas de 'dégage'" pour Morjane
Teyssir Ksouri fait partie de l’équipe de communication de Kamel Morjane. Le candidat vient de terminer une série de visites de terrain, vendredi 21 novembre, entre Mahdia et Monastir, fief régional du natif de Hammam Sousse. "Il est le seul candidat de l’ancien régime à ne pas entendre de ‘Degage’ lors de ses déplacements", affirme Ksouri fièrement.
Pour contrer les polémiques autour du passé de son candidat, le communicant a "insisté sur sa carrière" dans les organisations internationales et sur le fait qu’il ait "demandé pardon très tôt [en avril 2011]".
La veille, Morjane affirmait sur Mosaïque FM ne pas avoir été un leader du RCD, parti de Ben Ali. "Son inscription au parti en 2008 était forcée de par son poste ministériel", insiste Ksouri. Morjane avait par la suite intégré le bureau politique en 2010.
L’ancien ministre de la Défense et des Affaires étrangères se repose à la terrasse d’un grand hôtel de Monastir avant son meeting de clôture. Il dit avoir été "très bien accueilli partout", mais avoue tout de même avoir dû faire face à quelques "questions gênantes", celles "sur le passé". Que répond-il à ces questions ? Que ses ministères n’avaient "rien à voir" avec les tares de l’ancien régime.
A en croire ses collaborateurs, il faut connaître Morjane pour l’aimer. Ses deux conseillers de campagnes se disent "fervent opposant à Ben Ali" et "homme de gauche". Mais il les a "persuadés".
Morjane souligne toutefois ses difficultés à convaincre le peuple tunisien: "Ils ne peuvent pas faire la distinction entre les uns et les autres [de l’ancien régime]".
Le "pompier" a joué au foot
Pour son dernier jour de campagne, Mondher Zenaïdi est quant à lui allé rendre hommage au "sport par excellence" - "et à tous les sports", ajoute-t-il. Aux Berges du Lac vendredi, il a "marqué trois buts" lors d’un match de football avec d’anciens joueurs tunisiens.
"C’est unique comme clôture", s’enthousiasme un ami, qui loue "le bâtisseur, le technicien". Zenaïdi a axé sa campagne sur "son expérience" d’homme d’Etat.
Tour à tour ministre du Commerce, du Tourisme, du Transport et de la Santé sous Ben Ali, Zenaïdi a aujourd’hui affirmé avoir eu un "excellent feedback" de la population lors de ses déplacements. "Je suis l’enfant de l’Etat tunisien", dit-t-il. "J’ai été associé à l’Etat tunisien dans toutes les réalisations qui ont été les siennes".
Zenaïdi a été "le pompier de Ben Ali", rappelle Ghazi Ben Ahmed, directeur exécutif de l’Initiative méditerranéenne pour le développement, qui milite contre l’exclusion politique des membres de l’ancien régime. "Il a fait des miracles".
Si le candidat admet aujourd’hui quelques "aspects négatifs" lors des années Ben Ali, il affirme également devoir "assumer son passé".
Tout le monde veut du Bourguiba
A l’instar de Béji Caïd Essebssi, ils se référent cependant tous deux à Bourguiba. Bourguibiste affirmé, Kamel Morjane est allé jusqu’à imprimer le visage du président de l’indépendance sur ses affiches. Mondher Zenaïdi rappelle quant à lui volontiers ses débuts politiques sous Bourguiba.
"Ils exploitent un récit tronqué du passé qui correspond à une vision dominante aujourd’hui", observe Jérôme Heurtaux, chercheur à l’Institut de Recherche sur le Maghreb Contemporain (IRMC). On oublierait, dit-il, autant la répression sous Bourguiba que les espoirs suscités par les débuts de Ben Ali en 1987. "La référence à la figure mythifiée et lissée de Bourguiba est, semble-t-il, un vrai discours rassembleur".
Tête de liste Nida Tounes élu au Kef, Abada Kéfi expliquait avant les élections législatives: "Béji [Caïd Essebssi], c’est Bourguiba, c’est pour ça que les gens l’aiment". Béji Caïd Essebssi s’est positionné comme l’héritier de Bourguiba. S’il a également été président de l’Assemblée pendant un an sous Ben Ali, cet aspect de son parcours a été peu mis en lumière par son équipe de campagne.
En amont de l’élection présidentielle, le passé tunisien a été tourné et retourné. Bourguiba semble toujours fonctionner comme une recette magique. Le "dictateur éclairé" ne semble pas encore en être à sa "dernière bataille".
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