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Tunisie - Constitution: Des députés au bord de la crise de nerf

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Dix jours que les députés se réunissent quotidiennement pour adopter les 146 articles de la Constitution. En arrivant souvent tard dans la matinée, reprenant en milieu d'après-midi puis quelques heures dans la soirée, avec d'interminables pauses, retards et réunions à huis clos de la commission des consensus, les députés sont parvenus, non sans mal, à l'article 90 du projet de Constitution.

Mais tout ne s'est pas déroulé comme prévu. Des articles consensuels sont rejetés, la défiance s'installe et la tension monte chaque jour d'un cran. Les députés sont au bord de la crise de nerf et les débats sur les pouvoirs législatifs et exécutifs laisseront des traces.

Premier article rejeté, Habib Khedher joue les contorsionnistes

L'article 49, premier du chapitre sur le pouvoir législatif, annonce la couleur. Un amendement visant à modifier le nom du prochain Parlement en "Assemblée du Peuple" au lieu d' "Assemblée des représentants du Peuple" est adopté contre toute attente, avec seulement 111 voix favorables, soit deux de plus que la majorité requise.

Face à cet imprévu et aux complexités procédurales qu'engendre une telle modification, certains députés se rétractent et l'article amendé est rejeté. C'est la première d'une longue série et le Règlement intérieur reste muet dans ce cas de figure.

Imperturbable, Habib Khedher, rapporteur général de la Constitution, n'a montré aucun signe de faiblesse. "Nous allons poursuivre le vote des autres articles et nous y reviendrons", a-t-il calmement assuré.

C'est là que le numéro de contorsionniste de M. Khedher a débuté. Invoquant l'article 93 du Règlement intérieur, il a en effet ajouté un amendement à l'article 50.

Cet amendement est volontairement rejeté afin de servir de prétexte pour revenir à l'article 49. L'article 93 du RI énonce en effet que:

"Si l’Assemblée décide d'amender un article nécessitant l’amendement d’un article voté auparavant, elle peut en débattre à nouveau et le soumettre une nouvelle fois au vote"


Selon une interprétation libre de cet article par Habib Khedher, il serait donc possible "d'amender" un article rejeté.

Mais le rapporteur général ne s'est pas limité à cette interprétation et a décidé de sauter une étape. Il prend ainsi l'initiative de soumettre à un second vote l'article 49 dans sa version originale, sans l'amender. Cette acrobatie est encore plus surprenante du fait que l'article "voté auparavant" a été modifié.

Si quelques protestations ont fusé dans la salle, elles n'ont pas suffit à intimider un rapporteur général qu'aucun obstacle réglementaire ne semble pouvoir arrêter.

Exclusion des jeunes, droits de l'opposition

Le nuage dissipé un court instant, les élus ont poursuivi vendredi le débat sur le pouvoir législatif. L'article 52 limite la possibilité de se porter candidat aux élections législatives aux électeurs de plus de 23 ans, de nationalité tunisienne depuis plus de 10 ans.

Plusieurs amendements ont été déposés dans le but de supprimer ces conditions d'éligibilité, sans succès. Seuls 80 députés ont en effet voté pour faire passer de 23 à 18 ans l'âge requis pour se porter candidat.

Par ailleurs, un article important garantissant les droits de l'opposition a été adopté dans sa version "consensuelle". En plus des droits inscrits dans la version originale, l'opposition aura la possibilité de présider la commission financière ou celle des relations extérieures, et d'être rapporteur de l'une ou l'autre.

Nomadisme parlementaire et retrait des élus d'Al Mahaba

L'une des plus grandes polémiques de cette fin de semaine a été déclenchée par les députés du Courant de l'Amour (Al Mahabba) de Hechmi Hamdi, à la suite d'un amendement déposé pour interdire aux futurs élus de démissionner de leur parti en cours de mandat.

Le "mercato politique", appelé également nomadisme parlementaire, a concerné de nombreux élus, tous bords confondus, à l'exception d'Ennahdha. Les élus de Hechmi Hamdi ont particulièrement été touchés par ce phénomène, en perdant 19 députés sur les 26 de départ.

Les hésitations des élus face à cette problématique ont été à l'origine de la deuxième crise de nerfs d'Aymen Zouaghi, député Al Mahabba (après celle des caricatures du Prophète découvertes sur une page Facebook).




"Votez cet amendement! Votez cet amendement!", criait le jeune homme en gesticulant avant de s'effondrer en larmes et de quitter la salle. Malgré cela, un amendement (pas si) consensuel, prévoyant d'inscrire dans la loi électorale les retombées juridiques du nomadisme parlementaire, a été rejeté le lendemain.

"C'est absurde de figer cela dans la constitution et d'obliger le législateur par la suite à faire une loi électorale sur mesure pour certains", a commenté Nadia Chaâbane (Al Massar).

Ce désaveu, parmi d'autres, a incité les sept élus du parti Al Mahabba à annoncer leur retrait des débats sur la Constitution.

LIRE AUSSI: Les sept élus du Courant Al Mahabba se retirent des débats sur la future Constitution


Articles rejetés: L'hécatombe

Après le 49 rattrapé de justesse, deux autres articles du chapitre relatif au pouvoir législatif n'ont pas recueilli les 109 voix nécessaires.

L'article 62 limite les propositions de loi et amendements des députés au respect des équilibres financiers fixés dans la Loi de Finances. Partant d'une confusion entre ces propositions de loi et l'adoption de la Loi de Finances elle-même, l'article n'a recueilli que 100 voix favorables et a donc été rejeté.




Plus grave encore, l'article 64 a volontairement été rejeté après avoir été amendé, puisqu'il n'a recueilli que que 14 voix favorables. Ces manipulations permettraient à Habib Khedher de revenir plus tard sur ces articles dans la version souhaitée.

Le vote de défiance

Après le rejet de ces deux articles, deux autres subiront le même sort dans le chapitre relatif au pouvoir exécutif.

Un amendement consensuel sur les conditions d'éligibilité du président de la République est remis en cause par un certain nombre de députés. Les uns préfèrent en effet maintenir la limite d'âge maximal, les autres s'insurgent contre la possibilité pour un binational de se présenter à la présidentielle.

Pendant le débat, une violente altercation a éclaté entre Jalel Bouzid (Ettakatol) et Mouldi Zidi (ex Aridha). Ce dernier a violemment bousculé son collègue, obligeant d'autres députés à s'interposer entre les deux hommes.

Puis, l'amendement consensuel est rejeté par une partie des députés d'Ennahdha, d'Ettakatol mais aussi d'Al Joumhouri, alors qu'ils étaient engagés par le Règlement .

LIRE AUSSI:Rejet d'un amendement consensuel sur les conditions d'éligibilité à la présidence de la République


Finalement, l'article dans sa version originale sera également refusé le lendemain.

Au bord de la rupture

Réunis de nouveau dimanche, les députés ont rapidement adopté les autres articles consacrés aux prérogatives du président de la République. Mais, comme un retour de bâton, l'article 90 relatif au rôle du chef du gouvernement qui "fixe la politique générale de l'Etat" a été rejeté par la partie gauche de l'hémicycle, au grand dam d'Ennahdha.

Furieux, Sahbi Atig, président du groupe parlementaire d'Ennadha, a menacé de ne plus faire passer aucun article si les débats se poursuivaient de cette manière. "Cet article est un article sur lequel on s'était tous mis d'accord à Carthage. Il est inacceptable de poursuivre dans ces conditions", a-t-il prévenu dans la cacophonie générale.



Au Bardo, la majorité des députés montrent de réels signes de fatigue et de fébrilité. Les articles tombent les uns après les autres et l'atmosphère est chaque jour plus tendue, obligeant le rapporteur général de la Constitution à procéder à des bricolages douteux pour combler les trous d'un projet de Constitution malmené.

Malgré les demandes incessantes des députés désirant bénéficier d'un jour de repos, Mustapha Ben Jaâfar est resté intraitable et les débats se poursuivent.

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