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Boycott, sit-in: Les médecins de Tunisie se révoltent

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Une grève des médecins internes et résidents ainsi que des médecins hospitalo-universitaires a eu lieu ce vendredi pour protester contre le projet de loi prévoyant l'instauration d'un service obligatoire de trois ans dans des services hospitaliers pour les médecins spécialistes souhaitant s'installer dans le secteur privé.

Selon le projet, les affectations seraient alors déterminées par le ministère de la Santé selon les besoins, et se concentreraient donc dans les régions intérieures du pays. L'administration délivrerait aux médecins ayant achevé la durée obligatoire de travail dans le secteur public un certificat nécessaire pour exercer dans le privé.

Le projet de loi est contesté par l'ensemble des médecins syndiqués.

Il concerne à la fois les étudiants, internes ou externes, souhaitant se spécialiser, les médecins résidents et les assistants (déjà spécialistes).

Lors de la manifestation, Dr Chokri Kaddour, professeur en anesthésie et réanimation, a été agressé lors de son arrivée au ministère de la Santé.

"Il est en faveur d'un élargissement du mouvement de grève, il voulait y inclure tous les enseignants universitaires, c'est pour cela qu'il a été agressé" a déclaré une jeune manifestante présente sur place.



Le ministère de la Santé avait proposé lundi 30 décembre "une application progressive" du projet de loi.

"Nous proposons l'application progressive des dispositions du projet de loi avec un service d'une année à l'intérieur du pays pour les résidents de la 3ème, 4ème et 5ème année. Les résidents de première et deuxième année auront à y passer une année et demie, et 2 années (entières, ndlr) pour les internes" avait expliqué le ministre de la Santé Abdellatif Mekki lors d'une conférence de presse.


Contactée par le HuffPost Maghreb, une externe en médecine qui passe actuellement ses examens de quatrième année a réagi vivement à cette déclaration: "C'est une stratégie pour diviser les médecins. Le ministère a fait cette proposition pour en faire taire certains! Ce qui est sûr, c'est que la solidarité de tous les jeunes médecins restera la même. Nous ne lâcherons pas!".





Le choix du stage des étudiants ayant réussi leur résidanat a été reporté faute d'avoir trouvé un terrain d'entente avec les autorités. Ils déserterons de fait les hôpitaux jusqu'à ce qu'un accord soit trouvé (les urgences seront par ailleurs assurées).

Ce vendredi, ils étaient conviés à se présenter au siège du ministère de la Santé pour choisir leur spécialité. Le ministère avait indiqué jeudi dans un communiqué que les néo-résidents étaient "dans l'obligation de choisir aujourd'hui leurs spécialités ainsi que leurs choix de stages et que les autres résidents en médecine devaient à leur tour rejoindre leurs postes."

medecins

Contactée par le HuffPost Maghreb, un médecin de l'hôpital régional de Gabès est contre ce boycott, qu'elle qualifie de "décision égocentrique".

"C'est une erreur fondamentale, c'est irresponsable que de déserter les hôpitaux. Cela va à l'encontre de la profession même. Le ministère a choisi d'octroyer trois ans de travail obligatoire. Peut-être en effet qu'une seule année serait suffisante. Mais dans les régions, on manque de tout pas seulement de spécialistes mais aussi de matériel, c'est un effort collectif que l'on doit faire pour aider les malades".

Dans la région depuis près de trente ans, l'agression du professeur ce matin l'a attristé. "Une agression comme cela est un drame pour toute la profession". Le médecin en profite néanmoins pour soulever une autre question: "S'il n'y a plus de résidents, qui assistera ce professeur?".

Elle rappelle par ailleurs le serment d'Hippocrate, que les médecins doivent respecter dans l'exercice de leur fonction: "Je donnerai mes soins à l'indigent et à quiconque me le demandera. Je ne me laisserai pas influencer par la soif du gain ou la recherche de la gloire".

Un autre médecin exerçant dans les zones intérieures, Dr Hichem Abassi, anesthésiste à Sidi Bouzid, est du même avis: "Je trouve que les résidents grévistes manquent d'humanité. Nous, à Sidi Bouzid, on manque de spécialistes, on a ni gynécologue, ni cardiologue".

"Il faudrait qu'ils viennent nous rendre visite, même deux semaines ça nous va", ajoute-t-il en rigolant.

Conscient de la nécessité d’améliorer l’accès aux soins dans les régions les plus reculées du pays, Salma Moalla, membre du Bureau exécutif du Syndicat des internes et résidents en médecine de Tunis avait proposé de mettre en place un système de parrainage, "trois ans de "travail forcé n'est pas la solution".

"Les CHU (Centres Hospitalo-Universitaires) pourraient envoyer des équipes pluridisciplinaires (composées d'infirmiers, de médecins spécialistes et généralistes, de médecins expérimentés) toutes les deux semaines pour des missions dans les régions, ainsi qu'instaurer un système de parrainage". avait-elle proposé.


"Les internes et résidents, et tout le corps médical, sont conscients des conditions déplorables et de la nécessité d'améliorer la situation du milieu médical, en particulier dans les régions intérieures du pays. Mais obliger un jeune médecin spécialiste à faire trois ans dans une zone où l'on souffre encore plus de déficiences matérielles et d'un manque de personnel ne sert à rien", avait-elle soutenu.

À noter que les étudiants ont par ailleurs décidé de boycotter les examens du premier semestre, qui se déroulent en ce moment même dans les quatre facultés tunisiennes (Sousse, Tunis, Monastir et Sfax).





Les grévistes semblent déterminés à poursuivre le mouvement jusqu'à l'annulation du projet de loi en question. La "révolution du Bistouri" serait-elle en marche?

"Aujourd'hui, nous nous battons contre le travail obligatoire, qui est contraire aux conventions de l'Organisation Internationale du Travail ratifiées par la Tunisie. Tous unis, nous n'abdiquerons pas jusqu'au retrait du projet de loi", affirme la jeune étudiante Ghada Ben Halima présente à l'Assemblée Générale aujourd'hui.


Les étudiants seront en sit-in ouvert à la faculté de médecine de Tunis à partir d'aujourd'hui.

LIRE AUSSI: Comprendre les revendications des médecins


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