Sayeeda Warsi, ministre des Affaires étrangères britannique, a surpris tout le monde en remettant sa démission au Premier ministre, citant la position "moralement injustifiable" du gouvernement britannique sur le conflit à Gaza. Dans sa lettre à David Cameron, elle écrit que le soutien de la Grande-Bretagne aux opérations militaires israéliennes contre le Hamas, qui ont fait plus de 1800 morts côté Palestiniens le mois dernier, est "moralement injustifiable". Elle est "contraire aux intérêts de la Grande-Bretagne" et aura "de profondes répercussions sur notre réputation" (voir intégralité de la lettre en fin d'article).
C’est la première démission "de principe" depuis la formation du gouvernement, en 2010. Elle fait suite aux attaques du chef de l’opposition travailliste, Ed Miliband, sur les choix du Premier ministre et intervient après un cessez-le-feu de 72 heures, pour raisons humanitaires, décidé au Caire lundi soir entre Israël et le Hamas.
Dans une interview exclusive à la version britannique du Huffington Post, la première qu’elle ait donné depuis sa démission, mardi matin, l’aristocrate conservatrice accuse la coalition de ne pas jouer les "médiateurs" au Moyen-Orient, et demande un embargo immédiat sur les ventes d’armes à Israël.
"Le gouvernement britannique ne peut aider à résoudre la crise au Moyen-Orient que s’il joue honnêtement son rôle de médiateur", déclare l’ex-ministre des Affaires étrangères. "A l’heure actuelle, je considère que ce n’est pas le cas."
Sayeeda Warsi, première musulmane au poste de ministre à part entière, avait été nommée par David Cameron à la présidence du Parti conservateur, et était entrée au gouvernement sans portefeuille, en mai 2010. La semaine dernière, la chaîne d’information C4 a cependant annoncé que des membres du bureau des Affaires étrangères et du Commonwealth estimaient que Sayeeda Warsi émettait de "profondes réserves sur la politique gouvernementale" et qu’elle était "très inquiète" au sujet de Gaza.
Celle-ci explique qu’elle a notamment démissionné, malgré la signature d’un nouveau cessez-le-feu temporaire entre Israël et le Hamas, parce qu’elle souhaitait que les combattants soupçonnés d’avoir commis des crimes de guerre depuis un mois, à Gaza et en Israël, soient jugés mais qu’elle pensait que le gouvernement britannique n’accèderait pas à sa demande. "En tant que ministre, j’ai passé deux ans et demi à promouvoir, soutenir et financer la Cour pénale internationale (CPI). J’ai estimé que je ne pouvais pas concilier cette démarche avec la pression que nous exerçons continuellement sur l’autorité palestinienne afin de l’empêcher de s’adresser à la CPI."
L’ex-présidente du Parti conservateur, nommée ministre des Affaires étrangères lors du remaniement gouvernemental de septembre 2012, révèle qu’elle ne se reconnaissait plus dans la position de la coalition gouvernementale sur le conflit israélo-palestinien depuis deux ans. "Notre décision de ne pas accéder à la demande de reconnaissance d’un État palestinien à l’ONU en novembre 2012 était un contresens historique, et je regrette vraiment de ne pas avoir fait connaître mon désaccord à l’époque."
Maintenant qu’elle a démissionné, Sayeeda Warsi veut "s’exprimer plus librement" et sa première demande est la mise en place d’un embargo sur les ventes d’armes à Israël. "Je suis atterrée par le fait que le gouvernement britannique continue à vendre des armes à un pays, Israël, qui a causé la mort de près de 2 000 personnes, dont des centaines d’enfants, rien que le mois dernier. Les ventes d’armes à Israël doivent cesser."
Sa démission va accroître la pression sur le Premier ministre, prié de se montrer plus ferme vis-à-vis de la campagne de bombardement de l’armée israélienne et son incursion dans la bande de Gaza, et fait suite aux déclarations de plusieurs députés conservateurs de premier plan (dont les anciens ministres de la Défense Nicholas Soames et Peter Luff, et la députée Margot James, secrétaire parlementaire de l’ex-ministre des Affaires étrangères William Hague) exprimant leur malaise face au nombre croissant de victimes civiles côté palestinien.
Dans une lettre (rendue publique) adressée la semaine dernière au secrétaire d’État Philip Hammond, successeur de M. Hague au bureau des Affaires étrangères, Mme James écrivait ainsi : "J’appelle le gouvernement à revoir sa politique en Israël et dans les territoires palestiniens."
Sayeeda Warsi indique qu’elle "soutient depuis longtemps [le groupe parlementaire] Les Amis conservateurs d’Israël" et "le droit fondamental d’Israël à exister et à vivre en sécurité" mais qu’elle "ne peut pas continuer à se taire quand l’armée israélienne commet des actes que [le Secrétaire général des Nations unies] Ban Ki Moon qualifie d’indignes et de crimes, et le ministère des Affaires étrangères français, de massacres".
Elle ajoute que la réticence de la Grande-Bretagne à condamner fermement les massacres répétés de civils à Gaza, à l’inverse d’autres gouvernements et organisations internationales, l’a déçue. "Les Nations unies sont indignées, le gouvernement américain juge totalement injustifiable le pilonnage d’écoles. Pendant ce temps, le gouvernement britannique traîne les pieds."
Sayeeda Warsi insiste sur le fait qu’elle ne défend aucunement les attaques du Hamas sur Israël : "Le Hamas est une organisation terroriste et rien ne peut justifier le tir de roquettes sur des civils israéliens. Il devra, lui aussi, répondre de la détresse qu’il inflige aux Israéliens et aux Palestiniens."
Elle précise cependant : "En tant que puissance occupante, Israël est bien sûr responsable de la sécurité de ses citoyens mais aussi de celle des Palestiniens."
Dans sa lettre de démission, publiée sur Twitter, Sayeeda Warsi indique au Premier ministre que sa décision n’a pas été "simple" et que, bien qu’elle continue à le soutenir "à titre personnel", elle doit "vivre avec sa décision et ses prises de position. En restant au gouvernement à l’heure actuelle, [elle] ne sai[t] pas si cela aurait été possible".
Dans une interview à la chaîne de radio LBC, le maire de Londres, Boris Johnson, a qualifié de "bien triste" la démission de Sayeeda Warsi et indiqué qu’il avait "beaucoup de respect" pour elle.
Voici la traduction de l’intégralité de sa lettre :
Monsieur le Premier ministre,
Depuis plusieurs semaines, en réunion et au cours de discussions, je n’ai pas caché mon point de vue sur le conflit à Gaza et notre position.
J’estime que notre politique envers le processus de paix au Moyen-Orient et, plus récemment, notre approche et nos déclarations pendant la crise à Gaza sont moralement injustifiables. Il est contraire aux intérêts de la Grande-Bretagne et auront de profondes répercussions sur notre réputation, à l’étranger comme ici.
En charge des Droits de l'homme et des relations avec les Nation unies et la Cour pénale internationale et des Droits de l’homme, j’estime que notre position sur le conflit actuel n’est pas cohérente avec nos valeurs, et plus précisément notre engagement en tant qu’État de droit et notre soutien de longue date à la notion de justice internationale. À bien des égards, le manque d’expérience et d’expertise de certains de mes collègues, dont Ken Clarke et Dominic Grieve, est apparu au grand jour ces dernières semaines.
Ma décision n’a pas été prise à la légère. J’ai eu l’honneur de faire partie pendant trois ans de votre cabinet fantôme, et depuis quatre ans de votre gouvernement. Quand je vous ai précédée à la tribune à Blackpool en 2005, tandis que vous étiez candidat à la présidence du parti, j’ai eu le plaisir d’être là au début d’une grande aventure et j’aurais aimé être à vos côtés jusqu’au bout.
Ces dix dernières années m’ont permis de travailler avec quelques unes des personnalités les plus importantes du Parti conservateur et du gouvernement. William Hague est probablement l’un des meilleurs secrétaires d’État que ce pays ait jamais connu, et il m’a beaucoup appris. Il a laissé derrière lui la diplomatie petits fours et restauré le pouvoir et la dignité du ministère des Affaires étrangères. La manière dont sont prises les décisions suscite cependant un grand malaise chez les ministres et les hauts fonctionnaires.
Eric Pickles n’a pas cessé de me soutenir dans ma lutte contre les crimes de haine, l’antisémitisme et l’islamaphobie, et dans notre travail novateur sur l’acceptation de la religion dans la sphère publique. Ce regain de confiance dans le gouvernement m’a permis de prendre l’initiative au niveau mondial sur la liberté religieuse, notamment sur le problème pressant de la persécution des Chrétiens.
Cependant, un premier retour de divers ministères, dont celui de l’Intérieur, montre que les retombées du conflit actuel et le potentiel de radicalisation qu’entraînerait notre réaction à la crise de Gaza pourraient avoir des conséquences sur le long terme.
D’Eric et William, j’ai appris l’art de concilier les notions de passion et d’idéalisme avec celles de pragmatisme et de réalisme, mais j’ai toujours dit qu’après ma carrière de femme politique, il me faudrait vivre avec les décisions que j’avais prises ou soutenues. En restant au gouvernement à l’heure actuelle, je ne sais pas si cela aurait été possible.
Je vous annonce donc à regret ma démission.
Je continuerai à vous soutenir jusqu’au bout dans votre rôle de leader du Parti conservateur, et tant que vous continuerez à tout faire pour que notre parti évolue afin de faire face aux défis que rencontre notre pays, et à vous assurer que les conservateurs restent à l’écoute de toutes les communautés qui constituent la Grande-Bretagne d’aujourd’hui.
Cordialement,
Sayeeda
C’est la première démission "de principe" depuis la formation du gouvernement, en 2010. Elle fait suite aux attaques du chef de l’opposition travailliste, Ed Miliband, sur les choix du Premier ministre et intervient après un cessez-le-feu de 72 heures, pour raisons humanitaires, décidé au Caire lundi soir entre Israël et le Hamas.
Dans une interview exclusive à la version britannique du Huffington Post, la première qu’elle ait donné depuis sa démission, mardi matin, l’aristocrate conservatrice accuse la coalition de ne pas jouer les "médiateurs" au Moyen-Orient, et demande un embargo immédiat sur les ventes d’armes à Israël.
"Le gouvernement britannique ne peut aider à résoudre la crise au Moyen-Orient que s’il joue honnêtement son rôle de médiateur", déclare l’ex-ministre des Affaires étrangères. "A l’heure actuelle, je considère que ce n’est pas le cas."
Sayeeda Warsi, première musulmane au poste de ministre à part entière, avait été nommée par David Cameron à la présidence du Parti conservateur, et était entrée au gouvernement sans portefeuille, en mai 2010. La semaine dernière, la chaîne d’information C4 a cependant annoncé que des membres du bureau des Affaires étrangères et du Commonwealth estimaient que Sayeeda Warsi émettait de "profondes réserves sur la politique gouvernementale" et qu’elle était "très inquiète" au sujet de Gaza.
Celle-ci explique qu’elle a notamment démissionné, malgré la signature d’un nouveau cessez-le-feu temporaire entre Israël et le Hamas, parce qu’elle souhaitait que les combattants soupçonnés d’avoir commis des crimes de guerre depuis un mois, à Gaza et en Israël, soient jugés mais qu’elle pensait que le gouvernement britannique n’accèderait pas à sa demande. "En tant que ministre, j’ai passé deux ans et demi à promouvoir, soutenir et financer la Cour pénale internationale (CPI). J’ai estimé que je ne pouvais pas concilier cette démarche avec la pression que nous exerçons continuellement sur l’autorité palestinienne afin de l’empêcher de s’adresser à la CPI."
L’ex-présidente du Parti conservateur, nommée ministre des Affaires étrangères lors du remaniement gouvernemental de septembre 2012, révèle qu’elle ne se reconnaissait plus dans la position de la coalition gouvernementale sur le conflit israélo-palestinien depuis deux ans. "Notre décision de ne pas accéder à la demande de reconnaissance d’un État palestinien à l’ONU en novembre 2012 était un contresens historique, et je regrette vraiment de ne pas avoir fait connaître mon désaccord à l’époque."
Maintenant qu’elle a démissionné, Sayeeda Warsi veut "s’exprimer plus librement" et sa première demande est la mise en place d’un embargo sur les ventes d’armes à Israël. "Je suis atterrée par le fait que le gouvernement britannique continue à vendre des armes à un pays, Israël, qui a causé la mort de près de 2 000 personnes, dont des centaines d’enfants, rien que le mois dernier. Les ventes d’armes à Israël doivent cesser."
Sa démission va accroître la pression sur le Premier ministre, prié de se montrer plus ferme vis-à-vis de la campagne de bombardement de l’armée israélienne et son incursion dans la bande de Gaza, et fait suite aux déclarations de plusieurs députés conservateurs de premier plan (dont les anciens ministres de la Défense Nicholas Soames et Peter Luff, et la députée Margot James, secrétaire parlementaire de l’ex-ministre des Affaires étrangères William Hague) exprimant leur malaise face au nombre croissant de victimes civiles côté palestinien.
Dans une lettre (rendue publique) adressée la semaine dernière au secrétaire d’État Philip Hammond, successeur de M. Hague au bureau des Affaires étrangères, Mme James écrivait ainsi : "J’appelle le gouvernement à revoir sa politique en Israël et dans les territoires palestiniens."
Sayeeda Warsi indique qu’elle "soutient depuis longtemps [le groupe parlementaire] Les Amis conservateurs d’Israël" et "le droit fondamental d’Israël à exister et à vivre en sécurité" mais qu’elle "ne peut pas continuer à se taire quand l’armée israélienne commet des actes que [le Secrétaire général des Nations unies] Ban Ki Moon qualifie d’indignes et de crimes, et le ministère des Affaires étrangères français, de massacres".
Elle ajoute que la réticence de la Grande-Bretagne à condamner fermement les massacres répétés de civils à Gaza, à l’inverse d’autres gouvernements et organisations internationales, l’a déçue. "Les Nations unies sont indignées, le gouvernement américain juge totalement injustifiable le pilonnage d’écoles. Pendant ce temps, le gouvernement britannique traîne les pieds."
Sayeeda Warsi insiste sur le fait qu’elle ne défend aucunement les attaques du Hamas sur Israël : "Le Hamas est une organisation terroriste et rien ne peut justifier le tir de roquettes sur des civils israéliens. Il devra, lui aussi, répondre de la détresse qu’il inflige aux Israéliens et aux Palestiniens."
Elle précise cependant : "En tant que puissance occupante, Israël est bien sûr responsable de la sécurité de ses citoyens mais aussi de celle des Palestiniens."
Dans sa lettre de démission, publiée sur Twitter, Sayeeda Warsi indique au Premier ministre que sa décision n’a pas été "simple" et que, bien qu’elle continue à le soutenir "à titre personnel", elle doit "vivre avec sa décision et ses prises de position. En restant au gouvernement à l’heure actuelle, [elle] ne sai[t] pas si cela aurait été possible".
Dans une interview à la chaîne de radio LBC, le maire de Londres, Boris Johnson, a qualifié de "bien triste" la démission de Sayeeda Warsi et indiqué qu’il avait "beaucoup de respect" pour elle.
My resignation letter pic.twitter.com/BmApmywfOX
— Sayeeda Warsi (@SayeedaWarsi) 5 Août 2014
Voici la traduction de l’intégralité de sa lettre :
Monsieur le Premier ministre,
Depuis plusieurs semaines, en réunion et au cours de discussions, je n’ai pas caché mon point de vue sur le conflit à Gaza et notre position.
J’estime que notre politique envers le processus de paix au Moyen-Orient et, plus récemment, notre approche et nos déclarations pendant la crise à Gaza sont moralement injustifiables. Il est contraire aux intérêts de la Grande-Bretagne et auront de profondes répercussions sur notre réputation, à l’étranger comme ici.
En charge des Droits de l'homme et des relations avec les Nation unies et la Cour pénale internationale et des Droits de l’homme, j’estime que notre position sur le conflit actuel n’est pas cohérente avec nos valeurs, et plus précisément notre engagement en tant qu’État de droit et notre soutien de longue date à la notion de justice internationale. À bien des égards, le manque d’expérience et d’expertise de certains de mes collègues, dont Ken Clarke et Dominic Grieve, est apparu au grand jour ces dernières semaines.
Ma décision n’a pas été prise à la légère. J’ai eu l’honneur de faire partie pendant trois ans de votre cabinet fantôme, et depuis quatre ans de votre gouvernement. Quand je vous ai précédée à la tribune à Blackpool en 2005, tandis que vous étiez candidat à la présidence du parti, j’ai eu le plaisir d’être là au début d’une grande aventure et j’aurais aimé être à vos côtés jusqu’au bout.
Ces dix dernières années m’ont permis de travailler avec quelques unes des personnalités les plus importantes du Parti conservateur et du gouvernement. William Hague est probablement l’un des meilleurs secrétaires d’État que ce pays ait jamais connu, et il m’a beaucoup appris. Il a laissé derrière lui la diplomatie petits fours et restauré le pouvoir et la dignité du ministère des Affaires étrangères. La manière dont sont prises les décisions suscite cependant un grand malaise chez les ministres et les hauts fonctionnaires.
Eric Pickles n’a pas cessé de me soutenir dans ma lutte contre les crimes de haine, l’antisémitisme et l’islamaphobie, et dans notre travail novateur sur l’acceptation de la religion dans la sphère publique. Ce regain de confiance dans le gouvernement m’a permis de prendre l’initiative au niveau mondial sur la liberté religieuse, notamment sur le problème pressant de la persécution des Chrétiens.
Cependant, un premier retour de divers ministères, dont celui de l’Intérieur, montre que les retombées du conflit actuel et le potentiel de radicalisation qu’entraînerait notre réaction à la crise de Gaza pourraient avoir des conséquences sur le long terme.
D’Eric et William, j’ai appris l’art de concilier les notions de passion et d’idéalisme avec celles de pragmatisme et de réalisme, mais j’ai toujours dit qu’après ma carrière de femme politique, il me faudrait vivre avec les décisions que j’avais prises ou soutenues. En restant au gouvernement à l’heure actuelle, je ne sais pas si cela aurait été possible.
Je vous annonce donc à regret ma démission.
Je continuerai à vous soutenir jusqu’au bout dans votre rôle de leader du Parti conservateur, et tant que vous continuerez à tout faire pour que notre parti évolue afin de faire face aux défis que rencontre notre pays, et à vous assurer que les conservateurs restent à l’écoute de toutes les communautés qui constituent la Grande-Bretagne d’aujourd’hui.
Cordialement,
Sayeeda
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