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Libye - Insécurité et lenteurs administratives: Le témoignage d'un Tunisien cherchant à fuir Benghazi (PHOTOS)

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Aymen Azizi, 29 ans est technicien supérieur dans une usine de lait en Libye. Après avoir suivi une formation en électro-mécanique à Gabès, il part en 2012, faute de trouver du travail en Tunisie.

"C'était une bonne opportunité car l'entreprise nous offrait des formations et s'occupait de tout. Et ma situation en Tunisie était difficile", explique Aymen, contacté par le HuffPost Maghreb.

Aujourd'hui c'est le jour J pour Aymen. Son avion décolle à 18h pour Tunis (heure libyenne), reste maintenant à faire le trajet jusqu'à l'aéroport d'Al Abraq, à 218 km de Benghazi. Le chemin est périlleux, parsemé de barrages, mais Aymen n'a pas d'autres choix, il sera accompagné d'amis Libyens durant son trajet. Les seules affaires qui lui restent sont les vêtements qu'il porte.

"Revenez demain"

Le jeune homme travaillait et vivait dans une usine de produits alimentaires: "Al Rayhan". L'usine est à présent à moitié détruite, après avoir été bombardée le jour de l'Aid. Quelques heures plus tôt, Aymen y prenait son petit-déjeuner avec ses collègues.

"Des rumeurs circulaient sur le fait que des combattants "d'Ansar al-Chariâa" avaient investi les lieux. D'autres milices l'ont alors attaquée, après que nous soyons partis", explique-t-il.

Depuis, l'usine a mis une maison à disposition pour ses employés. Des Philippins, des Egyptiens, des Soudanais et un Syrien s'y entassent à hauteur de 10 à 15 personnes par chambre. La veille, 80 Bangladais sont venus s'ajouter au groupe.

(Suite de l'article après le diaporama)



"Quand les violences ont éclaté, on était dans la rue. On marchait au milieu de cadavres recouverts de mouches, on entendait les roquettes et les tirs, c'était l'horreur. On vit dans une terreur et un stress permanents", témoigne Aymen.

Son calvaire date d'octobre, quand il a perdu son passeport après sa dernière entrée en Libye. Il a alors entamé une procédure auprès du consulat tunisien à Benghazi, en vain. Les autorités tunisiennes ne semblaient alors pas disposées à lui renouveler son document de voyage.

"Ils m'ont demandé un tas de papiers, une attestation de perte, en plus de ma carte d'identité [qu'il avait toujours en sa possession]. J'ai écrit une demande et ils ont envoyé le dossier au ministère de l'Intérieur un mois plus tard, sans aucun résultat. En décembre, je refais une autre demande, refusée par le ministère. Ils m'ont répondu: 'cherche bien, tu le trouveras peut-être'. Après une troisième demande, le consul de Benghazi m'a convoqué pour me soumettre à un interrogatoire: 'Connais-tu des salafistes?', 'Tu fais quoi ici?', 'Tu travailles dans quelle entreprise?', etc. Mais toujours pas de passeport", affirme le jeune homme.

Avec la détérioration de la situation en Libye et après l'appel du gouvernement tunisien à ses ressortissants (entre 50.000 et 80.000 personnes) à quitter le territoire libyen, la permanence consulaire a promis à Aymen un laissez-passer, afin qu'il puisse retourner en Tunisie sans passeport, mais à condition d'acheter un billet d'avion et de leur en apporter la preuve.

Les seuls départs possibles s'effectuent de l'aéroport international d'Al Abraq, à plus de 200 kilomètres de Benghazi.

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Distance entre Benghazi et l'aéroport d'Al Abraq.


Le samedi 2 août, Aymen parvient donc à se procurer un billet d'avion, par le biais d'une des rares agences de voyage encore ouvertes à Benghazi et avec l'aide d'amis Libyens.

Une fois le billet en poche, il retourne à la permanence consulaire, malgré l'insécurité qui règne dans les rues de la ville, mais celle-ci était fermée. Il s'y rend de nouveau le lendemain, mais toujours impossible d'obtenir le laissez-passer. En cause: une panne d'électricité.

"Ils nous demandent de revenir le lendemain comme si le pays n'était pas en guerre, sans aucune empathie, ils ne demandent même pas de nos nouvelles…", déplore Aymen.

Les Tunisiens en Libye sont "responsables de leur sort"

Contacté par le HuffPost Maghreb, Khaled Jouili, responsable à la permanence consulaire de Benghazi a déclaré qu'actuellement 80% des ressortissants sont rentrés en Tunisie. Selon lui, les autres veulent rester car "leur vie, leur travail et leur famille sont ici". "Nous avons facilité l'obtention des laissez-passer. Vu la situation de crise, on en octroie plusieurs par jour. On essaye aussi d'aider ceux qui ne peuvent pas se payer un billet d'avion, mais nos moyens sont limités", a-t-il assuré.

"J'ai dû économiser une partie de mon salaire pour pouvoir acheter mon billet de retour, car le consulat ne m'a offert aucune solution", soutient de son côté Aymen Azizi.

"Les Tunisiens en Libye ne sont pas des laissés-pour-compte, ils travaillent dans des entreprises et sont responsables de leur sort en décidant de partir à l'étranger", rétorque Mokhtar Chaouachi, porte-parole du ministère des Affaires étrangères tunisien, au HuffPost Maghreb.

Selon M. Chaouachi, la situation sécuritaire en Libye est de la responsabilité des autorités libyennes. "Et puis il ne faut pas s'imaginer que toute la ville de Benghazi est à feu et à sang, il est possible de se déplacer" assure-t-il.

"De nombreux autres pays ont fermé ambassades et consulats, nous nous avons gardé une permanence à Benghazi qui est chargée de l'assistance et de l'orientation des Tunisiens au cas par cas", se défend le porte-parole. "Les Egyptiens sont bien arrivés à la frontière tunisienne par leurs propres moyens!", a-t-il ajouté.

Finalement, Aymen a réussi à avoir son laissez-passer lundi dans la matinée. "Ce qui m'a le plus choqué c'est qu'il n'y ait que deux personnes qui travaillent au consulat et seulement aux horaires administratifs, alors qu'on risque nos vies pour venir, il y a des barrages partout, des milices, des membres d'Ansar al-Chariâa, des rebelles…".

Un autre Tunisien, Mohamed-Ali Hamdi l'a accompagné dans son parcours du combattant. Lui a décidé de rester et de s'accrocher à son rêve d'améliorer sa situation financière en Libye. Cela fait deux mois qu'il a commencé à travailler dans l'usine qui lui a promis un travail si la situation venait à s'améliorer d'ici à une dizaine jours ou de le rapatrier à ses frais dans le cas contraire. Il verra comment les choses évoluent. Les autres Tunisiens de l'usine n'ont pas attendu. Ils sont tous retournés en Tunisie depuis plusieurs semaines.

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