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Interview avec le vocaliste et compositeur tunisien, Dhafer Youssef

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Le musicien tunisien Dhafer Youssef a sorti fin, octobre dernier, "Birds Requiem" son nouvel album encensé par la critique internationale. L’oudiste compositeur vient de se lancer dans une nouvelle tournée internationale pour présenter son nouveau disque. Huffington Post Maghreb l’a rencontré le temps d’une trêve à Tunis.

HuffPost Maghreb: Vous avez souvent collaboré avec des artistes jazz européens, surtout des Scandinaves. Dans "Birds Requiem", vous avez travaillé avec Husnu Senderlici et Aytaç Dogan. Quel est le déclencheur de cet intérêt particulier envers la scène turque?

Dhafer Youssef: C’est un retour aux racines. Cette réponse peut sembler bizarre, vous devez vous dire que j’aurais pu collaborer avec des musiciens tunisiens ou arabes. Ça aurait pu être plus cohérent. Mais je suis un grand fan de Taksim Trio surtout Husnu. J’ai toujours voulu partager une expérience avec lui. La première occasion s’est présentée en Allemagne. Je les ai invité pour jouer avec un moi, en 2011, lors d’un concert à Ludwigsbourg. On s’est éclaté. C’était une très belle expérience. Suite à cela, je voulais absolument immortaliser ce moment avec une trace discographique. En plus, après Abu Nawas Rhapsody, je voulais faire quelque chose de différent, moins de jazz, moins de technicité et de virtuosité et plus de travail sur l’âme de la musique, les notes et le silence.

Mais les musiciens scandinaves sont toujours là, notamment, le guitariste norvégien Eivind Aarset que vous avez récemment présenté comme "la deuxième oreille" de la composition de "Birds Requiem"…

Absolument. J’ai confiance en ses choix. Il est souvent là pour me donner son avis. C’est un musicien très important sur cet album. D’ailleurs, le projet que j’ai présenté en Allemagne avec Husnu et Aytaç s’est fait entre autres avec Eivind Aarset dont la participation sur cet album incarne, en quelque sorte, ma nostalgie envers la musique electro. Mais cette fois-ci, ce n’est pas de l’electro à la «Electric Soufi». Là, c’est du light. C’est mélancolique… poétique. Je ne me rappelle qu’il fait de l’electro que quand il est sur scène et que je vois tous les câbles et les outils qu’il utilise.

Vous rendez hommage à Istanbul dans "39th Gulay" dans ce nouvel album. Quelle est l’origine de cette histoire d’amour avec cette ville turque?

La musique, et toute création artistique, a besoin d’une source d’inspiration. Je pense qu’Istanbul est très spéciale. Tous les contrastes qu’on y trouve, à tous les niveaux, en font une ville unique. C’est un mélange entre l’Occident et l’Orient. Si j’aurais à trouver une ville représentative de ma musique, ce serait Istanbul.

En parlant de sources d’inspiration, dans cet album, vous avez délaissé les écrits des philosophes soufis à l’instar d’al-Hallaj et Rûmi ainsi que la poésie d’Abu Nawas. Pourquoi? Et que représentent-ils pour vous et dans votre musique?

Je veux me débarrasser du cliché du soufisme. Je ne suis pas soufi. Je m’intéresse à cette philosophie, sans plus. Je ne me sers pas de leurs textes comme les paroles d’une chanson. D’ailleurs, je ne fais pas de chansons. Ma voix n’est qu’un instrument de plus. Leurs textes m’aident à faciliter l’accès à mon univers musical. Je partage ces idées qui me bouleversent, qui me poussent à réfléchir plus loin. Quant à Abu Nawas, je l’adore. Il me parle. J’adore sa poésie. Je partage aussi son amour pour le vin. Par exemple, j’adorerais chanter la poésie de Sghaier Ouled Ahmed le jour où je ressentirais que je suis capable de la transmettre mieux qu’il le fait dans ses récitals.

D’ailleurs, vous avez déjà invité Sghaier Ouled Ahmed à réciter ses poèmes lors de votre concert lors de la clôture du Festival International de Carthage en 2012, un de tes rarissimes concerts en Tunisie. Pourquoi autant d’absence sur la scène locale?

Il n’y a tout simplement pas assez de demandes. J’ai besoin de certaines conditions techniques mais il y a aussi des conditions financières et éthiques. En Tunisie, ces conditions sont rarement réunies.

Sur la pochette de "Birds Requiem", vous dédiez à Khira et à Shiraz les morceaux "Indicium Divinum" et "Blending souls & shades". Qui sont-elles et que représentent-elles dans le processus de création de cet album?

C’est vraiment mon album le plus intime. Khira est ma défunte mère. Je l’ai accompagné durant son agonie. Cela m’a beaucoup marqué et m’a inspiré «Indicium Divinum». Quant à Shiraz, elle est mon grand amour. «Blending souls & shades», je l’ai composé à un stade où mon travail sur l’album avait du mal à avancer. Un jour alors que Shiraz écoutait une ancienne chanteuse turque, j’ai eu une révélation. Cette chanson m’a débloqué. Dès que je l’ai écouté, je suis parti m’isoler et composer «Blending souls & shades». Je pense qu’il est important de noter leurs noms sur la pochette du disque parce qu’elles ont vraiment marqué son atmosphère.

Même si votre univers musical est difficile à classer dans un genre, vos disques sont souvent répertoriés dans la catégorie "Jazz". Qu’est-ce que vous retenez le plus de ce genre musical?

C’est surtout la liberté d’improviser. Le jazz est sans limites. Quand on joue le jazz, on se sent investis par des pouvoirs divins. On peut tout faire. Par exemple, j’ai eu des expériences avec des orchestres de musique classique. Les possibilités sont limitées. Je ne me considère pas comme jazzman. Et je ne joue pas d’un instrument de jazz. Mais ma démarche dans la composition de mes morceaux est plus ou moins la même démarche prises par les jazzmen.

Maintenant que vous lancez la tournée internationale de "Birds Requiem", comment avez-vous vécu le premier concert qui a eu lieu fin novembre au Théâtre des Bouffes du Nord à Paris?

Dans ce concert, il n’y avait pas les guests de l’album. Le côté electro assuré par Eivind Aarset était plus présent. Mais il y a tout de même des morceaux qui ne s’éloignent pas de leurs versions studios. Bref, en live, le disque maintient son côté intense tout en ayant plus de groove.

>>Pour écouter "Birds Requiem" de Dhafer Youssef


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