
POLITIQUE - C’est une entreprise discrète, nichée au cinquième étage d’un immeuble sans charme du quartier de l’Agdal, à Rabat, qui est désormais au cœur de la guerre fratricide que se livrent l’actuel secrétaire général du Parti authenticité et modernité (PAM), Hakim Benchamach, et son prédécesseur, Ilyas El Omari. Son nom? PAM News. Jusqu’à récemment, elle était censée être le bras armé médiatique du Parti Authenticité et Modernité en assurant notamment l’alimentation de son site internet officiel et les réseaux sociaux qui y sont reliés. Mais depuis hier, avec le limogeage annoncé de son personnel, PAM News est devenue la nouvelle ligne de fracture entre “Hakimistes” et “Omaristes”. Détails exclusifs.
Créée six mois avant les législatives en avril 2016, PAM News employait une vingtaine de personnes, journalistes et techniciens, majoritairement affectés à la mise à jour, l’alimentation et la maintenance du site internet du parti ainsi que les pages Facebook et Twitter liées. Il faut dire qu’à cette époque, le PAM affichait des ambitions immenses -démesurées, diront certains- en visant la première place lors des élections à venir. Dans ce contexte, selon des sources proches du parti consultées par le HuffPost Maroc, PAM News était appelé à devenir le “principal relais d’information du parti du tracteur”, et concourir de manière importante à la “stratégie de conquête du pouvoir de son secrétaire général”. Dès sa mise en place, l’entreprise prend donc en main le portail officiel du site, et est placée sous le commandement de l’un des plus proches lieutenants d’El Omari, Khalid Adnoun, par ailleurs porte-parole du parti. Jour et nuit, les journalistes-militants de PAM News abreuvent Internet de messages du parti.
Cette entreprise au capital de 90.000 dirhams a donc pour actionnaire à 99% le parti, qui est également son seul client. Problème: PAM News affiche des charges importantes, avec notamment plus de 2 millions de dirhams de salaires, ainsi qu’un loyer très élevé, 60.000 DH par mois comme le précise Hakim Benchamach dans une mise au point publiée sur le site du parti.
En 2016, son bilan annuel accusait des pertes de plus de 800.000 dirhams alors que ses produits n’affichent qu’un maigre montant de 287.000 dirhams, le reste de son financement provenant du compte courant actionnaire fourni par le PAM, soit près de 3,5 millions de dirhams. Malgré la défaite aux législatives de 2016, l’entreprise continue son activité en 2017, bien que certaines voix commencent à s’élever contre ce qu’ils qualifient d’“usine à gaz”.

Or, avec l’arrivée de Hakim Benchamach à la tête du PAM suite à l’interminable roman-feuilleton de la vraie-fausse démission d’Ilyas El Omari, le nouveau leadership du parti doit faire face à un bateau qui prend l’eau de toutes parts financièrement. Selon nos informations, plusieurs réunions de crise ont été mises en place afin d’adresser la question critique des finances du parti, Benchamach affichant sa “stupéfaction” devant l’état de déliquescence de la trésorerie. Très rapidement, parmi les options envisagées, il apparaît que PAM News doit faire l’objet d’une “réduction de voilure”, voire être fermée afin de stopper une partie de l’hémorragie.
Fronde des salariés
C’est donc au même Khalid Adnoun auquel s’adresse Hakim Benchamach pour lui signifier de démanteler l’activité de l’entreprise séance tenante. Jeudi 26 juillet, Adnoun annonce aux employés de l’entreprise la fin de leur contrat moyennant deux mois d’indemnités, ou la possibilité de rejoindre les rangs des employés du parti en étant redéployés dans ses différentes branches. Stupeur au sein des salariés de PAM News, majoritairement des fidèles de l’ancien secrétaire général du Parti Ilyas El Omari, qui découvrent par la même occasion que leurs cotisations sociales n’ont jamais été versées par leur employeur.
Durant cette journée de jeudi, les smartphones sont en surchauffe, et des contacts sont pris avec les médias pour dénoncer ce que les employés de PAM News considèrent comme une “mauvaise manière” qui leur est faite par le nouveau chef du parti. Alerté par les premiers articles parus dans la presse arabophone, Benchamach se met immédiatement en mode “damage control” pour tenter d’éteindre l’incendie, minimisant la nouvelle et imputant la situation catastrophique de l’entreprise et ses employés à son prédécesseur. Mais rien n’y fait, la nouvelle du limogeage général se répand comme une trainée de poudre. Acculé, Benchamach promet de trouver des “solutions” pour régler l’épineuse question des cotisations sociales, mais reste ferme sur le principe du démantèlement de la structure gérant le site Internet.
Un agenda caché?
Il faut dire qu’outre l’argument financier, un élément de taille pousse la nouvelle direction du parti à vouloir reprendre la main directement sur le site Internet du PAM. En effet, Benchamach veut que la vitrine digitale du PAM soit directement placée sous son contrôle total, afin d’éviter toute tentative de manipulation du contenu distillé dans la plateforme. Échaudé par l’exemple récent du PJD, où une vidéo polémique de Abdelali Hamiedinne avait “mystérieusement” été mise en ligne sur le site du parti islamiste, le nouveau patron du PAM veut éviter que des fidèles de son prédécesseur ne puissent injecter du contenu, surtout depuis la mise en place de sa stratégie de “dé-omarisation” du parti, dont le premier jalon a été la mise en place d’un bureau politique dépouillé des partisans de Ilyas El Omari. Reste que les partisans du Président de la région de Tanger, connu pour sa redoutable capacité manoeuvrière, n’ont certainement pas dit leur dernier mot…. Affaire à suivre.