Après la présidentielle et les législatives, les élections municipales n'arrivent qu'en troisième position dans la grille d'intérêt des électeurs. Déjà que les Français ne s'y intéressent plus - 37% d'abstention, plus faible participation depuis 40 ans - pourquoi les mairies françaises devraient-elles intéresser les Tunisiens?
Entre la nette progression (attendue) du Front national, la quasi-victoire d'un pied-noir d'extrême droite et ancien gauchiste, et une flopée de candidats d'origine tunisienne, le cru 2014 est pourtant riche en révélations.
Comment ça marche et pourquoi c'est important
Les élections municipales françaises permettent d'élire un Conseil municipal, lequel choisira ensuite le maire. Au-delà des modalités électorales - de plus en plus compliquées et que vous comprendrez peut-être en visonnant cette vidéo - il s'agit avant tout de choisir ceux qui se chargeront, pendant six ans, du bien- ou mal-être de la municipalité. Et ce n'est pas rien.
Côté électeurs, et malgré les promesses de François Hollande, les étrangers extra-communautaires n'ont toujours pas obtenu le droit de vote. Seuls les ressortissants de l'Union européenne ont eu le droit de se rendre aux urnes.
Outre les enjeux locaux, les municipales sont également l'occasion de prouver la valeur d'un parti dans une position exécutive, en prévision d'échéances électorales plus en vue.
"Nous devons constituer un maillage territorial important, pour s'y appuyer lors des échéances nationales", expliquait par exemple Nicolas Bay, secrétaire général adjoint du FN. "C'est un travail sur le long terme".
Le Front national n'a pas gagné (mais il a gagné quand même)
Sans surprise, le Front national, parti d'extrême-droite dirigé par Marine Le Pen, a fortement progressé. Steeve Briois, localement bien implanté, a été élu dès le premier tour à Hénin-Beaumont (Nord) avec à peine plus de 50% des voix.
Le FN a par ailleurs fini en tête dans 17 villes de plus de 10.000 habitants et se maintiendra dans 229 triangulaires (pour comprendre "triangulaires", voir la vidéo conseillée plus haut).
(Pour une vidéo plus drôle et qui n'explique rien, c'est par là).
Marine Le Pen martèle aujourd'hui la "fin de la bipolarisation", expression désignant un échiquier politique français traditionnellement scindé entre la droite et la gauche, et que le FN espère bousculer.
Mais pour le journaliste politique au Monde Abel Mestre, "on peut supposer que le FN a fait le plein au premier tour". Traduction: Même si les premiers scores sont valorisants, peu d'électeurs ayant voté pour d'autres partis se tourneront vers le FN au deuxième tour.
Si le FN devrait rester une force concrètement secondaire au terme des municipales, l'impact médiatique de son élan électoral est une victoire. Et le parti la doit notamment au projet de dédiabolisation lancée par sa présidente.
Alors que Jean-Marie Le Pen traînait une réputation d'antisémite et de xénophobe, sa fille Marine tente de tirer un trait sur le passé. Elle souhaite rendre le parti plus accessible aux foules en se focalisant sur les sujets qui rassemblent: sécurité, emploi, et un brin d'islamophobie (même si le journaliste Dominique Albertini invite à relativiser la prétendue nouveauté).
En pleine mue et à cheval entre trois chaises, impossible pour le parti de ne pas souffrir de certaines contradiction.
Alors que le Front national milite âprement contre le droit de vote des étrangers, le parti a placé au moins 80 étrangers (ressortissants de l'Union européenne) sur leurs listes. Partie intégrante de la stratégie d'ouverture, la mesure n'en reste pas moins en contradiction totale avec les principes d'un parti qui se veut "cohérent".
Le pied-noir au 40 visages
Il restera peut-être LE personnage du premier tour. Novice de la politique électorale, Robert Ménard est allé piocher dans tous les coins pour atteindre les 44% à Béziers, ville natale du résistant à l'occupation allemande Jean Moulin. De bon augure pour le fondateur de Reporter sans frontières.
Né à Oran, d'abord proche des milieux trotskistes, il intègre ensuite le PS, mais le quitte rapidement, se recentre, vote Sarkozy en 2007 et finit tête de liste apparenté Front national pour Béziers en 2014.
Entre temps, Ménard a presque tout fait, et il l'a fait dans tous les sens. Il a créé une radio et un magazine. Il a protesté contre Bachar El Assad en 2008 mais a été proche d'un ami de Mouammar Kadhafi. Il a fondé Reporters sans frontières, puis a été directeur d'un centre pour la liberté de l'information au Qatar, émirat somme toute peu en pointe en termes de démocratie.
En 2011, il disait qu'il "ne voterait pas pour le Front national". Même s'il n'a pas voté pour, il fait aujourd'hui campagne avec eux. Défenseur ardent de la liberté de la presse, il n'est pas contre la peine de mort et a des doutes sur l'interdiction de la torture.
En 2011, il déclare qu'il ne serait "pas choqué par un financement d'Etat des mosquées. Mais il changera rapidement d'avis, tout comme pour l'interdiction du port du foulard à l'école.
Dans son livre "Ces journalistes que l'on veut faire taire", il affirme être interdit de séjour en Algérie. De même en Tunisie, qui l'accuse en 2005 d'avoir saccagé les bureaux parisiens de l'Office national du tourisme tunisien.
En 2012, il disait des autorités tunisiennes qu'elles se comportaient "comme Ben Ali" dans un article intitulé "Des Ben Ali en burnous".
Selon Le Monde, il a de fortes chances de remporter la mise au deuxième tour.
Des Franco-Tunisiens en première ligne: un échec et un monsieur 100%
Le député de Seine-Saint-Denis Razzy Hamadi est sans doute le plus connu des candidats d'origine tunisienne. Avec 13,3% des voix en 2008, le candidat socialiste avait échoué dans sa course à la mairie de Montreuil, en banlieue parisienne. Après la publication sur Youtube d'une vidéo amateur le montrant insulter une personne non-identifiable lors d'une soirée courant 2013 - "l'affaire est terminée, e... de ta race" - Razzy Hamadi n'a rassemblé que 9,8% des voix dimanche dernier. Insuffisant pour se maintenir au deuxième tour. "Le plus cinglant revers de sa carrière politique", note le magazine l'Express.
Mais parmi la cinquantaine de candidats d'origine tunisienne, nombreux sont ceux à avoir enregistré un certain succès.
Pierre Cohen, maire sortant de Toulouse, juif tunisien né à Bizerte, a obtenu 32% des voix. Bien que devancé par son adversaire UMP, il conserve de fortes chances de remporter le deuxième tour grâce aux autres voix de gauche.
Samir Triki, né en 1954 à Sfax, est maire de la petite commune de Lavault Saint-Anne (912 inscrits) depuis 2011. Il a été réélu dès le premier tour avec 100% des voix. Sans adversaire et sans suspense. Encore plus fort que Ben Ali, qui n'avait jamais fait mieux que 99,27% (en 1989)
Ancrée à gauche, la maire sortante des Ulis Sonia Dahou devra compter sur la concurrence de Françoise Maruhenda, également à la tête d'une liste de gauche, qui, avec 39%, la devance de peu.
A Chilly-Mazarin, 20.000 habitants, la candidate de gauche Rafika Rezgui, également maire sortante, devrait l'emporter au deuxième tour si elle réussit à rallier la liste "divers gauche".
Arrivée en France il y a 14 ans, la Franco-Tunisienne Maya Akkari est candidate dans le 18ème arrondissement de Paris. Celle pour qui la diversité est "fière et discrète" suscite l'intérêt, notamment du magazine Le Point, qui lui a consacré un portrait.
Finalement, à Vénissieux, fief communiste, le candidat du Parti socialiste Lotfi Ben Khelifa, ancien éboueur qui a construit sa vie petit à petit, a atteint les 15%. Il va jouer le rôle d'arbitre et ralliera probablement la liste du Front de gauche, dominante, pour contrer le candidat de la droite.
La députée tunisienne (France Sud) Karima Souid lui a récemment rendu hommage.
Entre la nette progression (attendue) du Front national, la quasi-victoire d'un pied-noir d'extrême droite et ancien gauchiste, et une flopée de candidats d'origine tunisienne, le cru 2014 est pourtant riche en révélations.
Comment ça marche et pourquoi c'est important
Les élections municipales françaises permettent d'élire un Conseil municipal, lequel choisira ensuite le maire. Au-delà des modalités électorales - de plus en plus compliquées et que vous comprendrez peut-être en visonnant cette vidéo - il s'agit avant tout de choisir ceux qui se chargeront, pendant six ans, du bien- ou mal-être de la municipalité. Et ce n'est pas rien.
Côté électeurs, et malgré les promesses de François Hollande, les étrangers extra-communautaires n'ont toujours pas obtenu le droit de vote. Seuls les ressortissants de l'Union européenne ont eu le droit de se rendre aux urnes.
Outre les enjeux locaux, les municipales sont également l'occasion de prouver la valeur d'un parti dans une position exécutive, en prévision d'échéances électorales plus en vue.
"Nous devons constituer un maillage territorial important, pour s'y appuyer lors des échéances nationales", expliquait par exemple Nicolas Bay, secrétaire général adjoint du FN. "C'est un travail sur le long terme".
Le Front national n'a pas gagné (mais il a gagné quand même)
Sans surprise, le Front national, parti d'extrême-droite dirigé par Marine Le Pen, a fortement progressé. Steeve Briois, localement bien implanté, a été élu dès le premier tour à Hénin-Beaumont (Nord) avec à peine plus de 50% des voix.
Le FN a par ailleurs fini en tête dans 17 villes de plus de 10.000 habitants et se maintiendra dans 229 triangulaires (pour comprendre "triangulaires", voir la vidéo conseillée plus haut).
(Pour une vidéo plus drôle et qui n'explique rien, c'est par là).
Marine Le Pen martèle aujourd'hui la "fin de la bipolarisation", expression désignant un échiquier politique français traditionnellement scindé entre la droite et la gauche, et que le FN espère bousculer.
Mais pour le journaliste politique au Monde Abel Mestre, "on peut supposer que le FN a fait le plein au premier tour". Traduction: Même si les premiers scores sont valorisants, peu d'électeurs ayant voté pour d'autres partis se tourneront vers le FN au deuxième tour.
Si le FN devrait rester une force concrètement secondaire au terme des municipales, l'impact médiatique de son élan électoral est une victoire. Et le parti la doit notamment au projet de dédiabolisation lancée par sa présidente.
Alors que Jean-Marie Le Pen traînait une réputation d'antisémite et de xénophobe, sa fille Marine tente de tirer un trait sur le passé. Elle souhaite rendre le parti plus accessible aux foules en se focalisant sur les sujets qui rassemblent: sécurité, emploi, et un brin d'islamophobie (même si le journaliste Dominique Albertini invite à relativiser la prétendue nouveauté).
En pleine mue et à cheval entre trois chaises, impossible pour le parti de ne pas souffrir de certaines contradiction.
Alors que le Front national milite âprement contre le droit de vote des étrangers, le parti a placé au moins 80 étrangers (ressortissants de l'Union européenne) sur leurs listes. Partie intégrante de la stratégie d'ouverture, la mesure n'en reste pas moins en contradiction totale avec les principes d'un parti qui se veut "cohérent".
Le pied-noir au 40 visages
Il restera peut-être LE personnage du premier tour. Novice de la politique électorale, Robert Ménard est allé piocher dans tous les coins pour atteindre les 44% à Béziers, ville natale du résistant à l'occupation allemande Jean Moulin. De bon augure pour le fondateur de Reporter sans frontières.
Né à Oran, d'abord proche des milieux trotskistes, il intègre ensuite le PS, mais le quitte rapidement, se recentre, vote Sarkozy en 2007 et finit tête de liste apparenté Front national pour Béziers en 2014.
Entre temps, Ménard a presque tout fait, et il l'a fait dans tous les sens. Il a créé une radio et un magazine. Il a protesté contre Bachar El Assad en 2008 mais a été proche d'un ami de Mouammar Kadhafi. Il a fondé Reporters sans frontières, puis a été directeur d'un centre pour la liberté de l'information au Qatar, émirat somme toute peu en pointe en termes de démocratie.
En 2011, il disait qu'il "ne voterait pas pour le Front national". Même s'il n'a pas voté pour, il fait aujourd'hui campagne avec eux. Défenseur ardent de la liberté de la presse, il n'est pas contre la peine de mort et a des doutes sur l'interdiction de la torture.
En 2011, il déclare qu'il ne serait "pas choqué par un financement d'Etat des mosquées. Mais il changera rapidement d'avis, tout comme pour l'interdiction du port du foulard à l'école.
Dans son livre "Ces journalistes que l'on veut faire taire", il affirme être interdit de séjour en Algérie. De même en Tunisie, qui l'accuse en 2005 d'avoir saccagé les bureaux parisiens de l'Office national du tourisme tunisien.
En 2012, il disait des autorités tunisiennes qu'elles se comportaient "comme Ben Ali" dans un article intitulé "Des Ben Ali en burnous".
Selon Le Monde, il a de fortes chances de remporter la mise au deuxième tour.
Des Franco-Tunisiens en première ligne: un échec et un monsieur 100%
Le député de Seine-Saint-Denis Razzy Hamadi est sans doute le plus connu des candidats d'origine tunisienne. Avec 13,3% des voix en 2008, le candidat socialiste avait échoué dans sa course à la mairie de Montreuil, en banlieue parisienne. Après la publication sur Youtube d'une vidéo amateur le montrant insulter une personne non-identifiable lors d'une soirée courant 2013 - "l'affaire est terminée, e... de ta race" - Razzy Hamadi n'a rassemblé que 9,8% des voix dimanche dernier. Insuffisant pour se maintenir au deuxième tour. "Le plus cinglant revers de sa carrière politique", note le magazine l'Express.
Mais parmi la cinquantaine de candidats d'origine tunisienne, nombreux sont ceux à avoir enregistré un certain succès.
Pierre Cohen, maire sortant de Toulouse, juif tunisien né à Bizerte, a obtenu 32% des voix. Bien que devancé par son adversaire UMP, il conserve de fortes chances de remporter le deuxième tour grâce aux autres voix de gauche.
Samir Triki, né en 1954 à Sfax, est maire de la petite commune de Lavault Saint-Anne (912 inscrits) depuis 2011. Il a été réélu dès le premier tour avec 100% des voix. Sans adversaire et sans suspense. Encore plus fort que Ben Ali, qui n'avait jamais fait mieux que 99,27% (en 1989)
Ancrée à gauche, la maire sortante des Ulis Sonia Dahou devra compter sur la concurrence de Françoise Maruhenda, également à la tête d'une liste de gauche, qui, avec 39%, la devance de peu.
A Chilly-Mazarin, 20.000 habitants, la candidate de gauche Rafika Rezgui, également maire sortante, devrait l'emporter au deuxième tour si elle réussit à rallier la liste "divers gauche".
Arrivée en France il y a 14 ans, la Franco-Tunisienne Maya Akkari est candidate dans le 18ème arrondissement de Paris. Celle pour qui la diversité est "fière et discrète" suscite l'intérêt, notamment du magazine Le Point, qui lui a consacré un portrait.
Finalement, à Vénissieux, fief communiste, le candidat du Parti socialiste Lotfi Ben Khelifa, ancien éboueur qui a construit sa vie petit à petit, a atteint les 15%. Il va jouer le rôle d'arbitre et ralliera probablement la liste du Front de gauche, dominante, pour contrer le candidat de la droite.
La députée tunisienne (France Sud) Karima Souid lui a récemment rendu hommage.
Post by Karima Souid.
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